TOULOUSE ET PAYS BASQUE

L’ÉTRANGER ET MOI…

 

Luzech, 20 au 23 novembre 2015

12 présents

 

Qu’est-ce que l’étranger ? Il ne parle pas ma langue ? Il vient d’au-delà des frontières ? Je pense que c’est l’autre… Je suis amené à faire un échange, accepter cet échange, c’est une ouverture en état de bienveillance, mais si ça bloque, ça ne va pas plus loin. Pourtant si on doit vivre un temps ensemble il va falloir accepter ses différences, ses manières… Déjà au début, quand on naît on est accueilli et la vie devient possible.

 

L’étranger est près de chez moi, et je suis l’étranger pour un autre. Quand nous sommes arrivés à X on était désignés par le terme « les Parisiens ». Quand on voyage, on est avec d’autres qu’on ne connaît pas, et les gens qu’on va rencontrer sont à découvrir. Notre fils vit dans un autre pays et il est bien intégré, nous aimons aller le retrouver, mais je n’aimerais pas y vivre.

J’ai longtemps été une « migrante », mais ça fait 30 ans que je suis dans le même village. Au début j’étais « surveillée» dans tous les aspects de ma vie jusqu’à ces derniers temps où, on m’a dit que je faisais partie du village ! Nous accueillons beaucoup de personnes de passage, un jour, un couple de Roumains qui faisaient le tour de l’Europe en caravane, nous ont confié qu’ils n’avaient jamais été accueillis dans aucune famille en France.

L’étranger c’est aussi celui qui ne nous ressemble pas et qui ne fonctionne pas de la même manière dont « on a peur », et qui nous « bouscule » dans notre bulle de confort.

C’est peut être mon voisin, mais par les cours que je donne à des étrangers au sein d’une association je suis amenée à connaître ces gens. Les échanges que j’ai eus avec une maman pendant sa grossesse et les services rendus réciproquement effacent la notion d’étranger ! Il ou elle devient proche !

Mais c’est aussi celui face à qui on se demande « Comment est-ce que vais l’appréhender ? ». C’est « l’inconnu ». Celui avec qui on n’a pas « d’atomes crochus », avec qui rien ne se passe. Si on ne fait pas un effort pour découvrir, le contact ne se fera pas. Il y a aussi le problème de cultures différentes. On a des préjugés sur des rencontres, sur des populations… des blocages qui empêchent d’aller plus avant. En voyage on va volontairement découvrir une autre culture, mais quand une culture a des aspects qui nous heurtent « femmes voilées par exemple » là ça ne passe pas !

 

Étranger « étrange », curiosité ! Spontanément, je suis attirée vers l’autre, d’aller à la rencontre de l’autre, mais je peux avoir des freins, par peur ! J’ai envie d’être bienveillante, accueillante et anxieuse de l’inconnu, des inconnus s’ils sont trop nombreux. Je me suis demandé si j’étais raciste, après m’être retrouvée en sortant d’une station de métro au milieu de nombreux Noirs, mais noirs ! Et j’ai été paniquée un moment.

Notre regard est fortement conditionné par notre éducation, notre culture. Lors de mon Service militaire à Marseille avec des « bons Français » j’ai eu l’impression qu’on n’était pas tous de la même planète… Au festival d’Avignon il y avait une Rom qui faisait la manche en bousculant tout le monde et c’est une autre Rom qui l’a calmée en lui disant : « Arrêtes, tu fais honte à tous les Roms ». Par rapport aux musulmans, je me demande si ce n’est pas par eux que la « remise dans la norme » vis-à-vis de la tentation vers l’extrémisme peut se faire.

 

J’ai un blocage vis-à-vis des « Roms », mais aussi des Magrébins à la suite d’une difficulté de contact avec un stagiaire d’origine nord-africaine que j’avais choisi. Mais cela n’a pas marché, j’avais des difficultés à communiquer avec lui. Cela tient sûrement de moi, j’ai tendance à m’isoler un peu… Je me sens aussi quelquefois étranger dans un groupe, chacun parle avec l’un avec l’autre, pour ma part je n’arrive pas à entrer facilement en contact… Alors vis-à-vis des SDF, je suis plutôt mal à l’aise Dans notre entourage on s’entend bien avec nos voisins, mais si on effleure le « problème » de l’intégration des étrangers on sent un énorme rejet.

Dans les transports en commun, du fait de notre « grand âge devenu visible », ce sont des jeunes, mais plusieurs fois d’autres origines, qui m’ont proposé, spontanément leur place assise. Cela m’a interpellée.

 

Habitant depuis 30 ans dans ce village je ne me sens pas vraiment intégré, admis… Pourtant je continue à agir au sein des associations, bien que ce ne soit pas les « natifs » qui prennent des responsabilités. Quand je voyage à l’étranger, je m’adapte de suite à leur mode de vie et je me sens comme si j’appartenais à leur pays, je me sens à l’aise.

 

Pour s’intégrer il faut faire un bout de chemin, et pour qu’il soit valable il faut prendre son temps. Quand on se sent étranger cela vient souvent de soi-même. Cela a été mon cas, je me suis un temps, refermée sur moi-même, sur la maison, les enfants… Aller vers les autres demande un véritable effort, mais il faut cultiver l’empathie, préparer le terrain, comme le dit Prévert dans ses conseils « Pour faire le portrait d’un oiseau » choisir un arbre, et la plus belle branche pour l’oiseau, attendre que l’oiseau arrive, et observer le plus profond silence ! J’espère qu’il me reste pas mal d’années pour poursuivre la route.

 

J’ai réalisé récemment qu’en choisissant, il y a 32 ans, de revenir au Pays basque, c’était naturel pour moi, je retrouvais mes racines, mais pour ma femme et mes enfants cela a été difficile car ils ne se sont pas sentis acceptés, ils étaient des « étrangers » ! Notre fils l’avait exprimé très vite, car il avait perdu ses copains, mais notre fille vient, il y a peu de temps, d’en parler, de dire enfin la souffrance qu’elle avait renfermée, d’être objet de rejet et d’une difficulté d’être intégrée à l’école ! La culture, liée à la langue, devient une barrière et comme il faut beaucoup de temps pour apprendre une langue qui est difficile, moi, j’étais aux prises à l’époque, avec une énorme tâche professionnelle, j’avais peu de temps pour ma famille…

Leur souffrance que je n’ai pas perçue à l’époque m’interpelle, me touche. Ici les gens sont peu accueillants dans l’ensemble, est-ce parce qu’ils sont confrontés à l’amalgame permanent culture et langue basque = séparatisme, indépendantisme ! et des tracas de l’administration qu’ils subissent à cause de cela ? Dans le groupe de réflexion dont je fais partie et qui existe depuis les dernières élections municipales, je me fais un devoir de combattre les « ayatollahs » basques, ma position c’est « Revendiquer le droit à ma culture basque m’oblige à accueillir celle de l’autre, à respecter sa différence ! », pour certains, c’est une découverte !

 

J’ai eu l’avantage de beaucoup voyager… D’abord, avec les TAAF d’aller aux Kerguelen en 74-75, avec un passage par l’Afrique du Sud sous apartheid… et j’ai découvert avec effarement que même les bancs publics étaient réservés aux Blancs, et qu’il y en avait peu pour les Noirs. J’ai fait aussi 50 jours de mission sur un bateau russe en « relevé météo » vers Terre Neuve. Dès le 2e jour où j’étais sur ce bateau qui abritait 60 âmes dont une dizaine de scientifiques, j’ai exploré ce navire, c’était écrit partout en russe, j’ai ajouté alors des post It avec logo pour m’y retrouver ! Mais la langue, leur façon de vivre ! J’ai heureusement des facultés pour imiter ça m’amuse. Mais on était en janvier, ce n’était pas une sinécure.

Une autre expérience, une mission en Afrique j’étais le seul Blanc, chef d’un convoi, tous des Noirs. Cela me plaisait beaucoup d’être en découverte des gens et des lieux, autres, différents… 

En vieillissant, je supporte de moins en moins les étrangers, avant, j’étais attiré, maintenant j’ai du recul. Quand je vois des femmes voilées, quand je vois un « village de Roms » qui est un véritable bidonville tout près de chez moi, je ressens du dégoût, un rejet. Questionnement !

Dans notre village au dernier recensement il y avait 14 personnes d’origine étrangère : Espagnols – Hollandais – Portugais – Colombiens – Allemands, tous intégrés !