LES JOIES DE MA JEUNESSE ET LES CHAGEMENTS AVEC LE TEMPS

Aix-en-Provence, 10 février 2014

 

13 présents

 

J’ai intégré la joie dans la vieillesse. Je ne me sens jamais seule. Je me couche tard chaque soir avec le sentiment de me retrouver et me dire qu’il ne me manque rien Je n’éprouve pas de joie ou non joie de ce que j’ai vécu. La Joie, c’est vivre « ici et maintenant » ; je n’ai rien à espérer de plus et je dis encore merci à la vie.

Mes moments de joie ont été et restent liés à la communauté et à l’eau. Dans ma jeunesse l’eau – donc la vie – était contingentée. C’était fabuleux de voir arriver l’eau, de s’asseoir dans la rivière et de sentir l’eau couler autour de moi. On cherchait aussi des sources comme des gamins de 4 ans. Aujourd’hui ma joie de l’eau est de me retrouver avec des amis dans les marais.

Ma douceur à moi, c’est la main. J’adorais donner la main à des fillettes. La grosse main que me donnait mon papy me sécurisait. J’ai cru que ce plaisir avait disparu, mais non : la main de mon mari me sécurise. Un autre « bonbon » est l’accompagnement de mon professeur dans mon travail sur mon mémoire.

Hier, nous avons fait notre oursinade (ouvrir des oursins et les déguster en plein air avec tartines et vin blanc, joie simple mais intense que je revis avec envie tous les ans) au bord d’une plage où il y avait de grosses déferlantes et un fort mouvement de flux et reflux. En les observant, j’ai eu une vision symbolique de notre passage sur terre : le rouleau c’est l’arrivée, les vagues et l’écume c’est la vie, puis ça repart en douceur dans l’océan en ayant laissé quelque chose sur le rivage.

Grâce au thème, il m’est revenu énormément de moments de vraie joie : en particulier, la joie d’être avec mes enfants car ça me ramène à mes joies d’enfant et à la naïveté qui était inhérente. Le mode pingouin également stimule ma joie.

Mes joies d’enfant, c’était lire des bandes dessinées et les relire même si je les connaissais par cœur. J’aime toujours lire des BD, mais je varie. Il y a aussi les jeux (échecs, bridge) – moins aujourd’hui – et les jeux de construction avec mes frères. Plus tard, j’ai aimé refaire le monde avec des amis ; c’est moins le cas maintenant. Il y avait aussi l’intimité avec mes amies filles ; maintenant c’est avec mon épouse. L’environnement sécurisant de la famille permettait de vivre dans l’insouciance.

Je ne suis pas tourné vers le passé. Je ne suis pas sûr de pouvoir vivre de moments de joie d’une intensité égale à celles que j’ai éprouvées. Je n’ai pas de joie intense en perspective. Toutes les joies de mon passé me manquent : un été magique dans ma famille d’accueil à faire des maquettes, mes premières amours, les moments de séduction toujours extraordinaires. J’aimerais pouvoir revivre ces moments, mais nous sommes dans une société « jubilicide ».

La joie ne faisait pas partie de ma jeunesse. Dans la famille on s’interdisait de plaisanter. La révolution sociale en cours (en Suède) qui allait bousculer ce milieu figé m’a poussée à partir en France. La découverte du voyage en Europe a été exaltante. À une époque tendue avec ma fille, je suis partie en voyage sans enfants ni mari : ce fut fabuleux. Je crois avoir vécu la vraie joie. Plus tard j’ai eu la joie de voir ma fille avec son bébé. Je n’ai jamais été aussi heureuse que maintenant.

Ma première grande joie fut d’aller au restaurant pour la première fois avec mes parents : j’avais une identité. Il y avait aussi les repas avec des invités, dans la grande salle et avec des conversations différentes. Il y avait une certaine magie. J’adorais aller au bal, conduire la voiture de papa après avoir eu la joie d’obtenir le permis de conduire. Aujourd’hui les joies sont différentes mais aussi profondes : voir mon conjoint à mes côtés, mes petits-enfants, les aider dans leurs devoirs scolaires.

Les joies de ma jeunesse étaient le travail, l’apprentissage, faire comme les grands, sans savoir si je les aidais ou les gênais. Je me suis régalé dans mes études, dans le sport (la luge, le ski, même sur des planches, le judo), puis j’ai découvert le cinéma et la voix envoutante de Jeanne Moreau, les bals, la période militaire avec la course et le tir au fusil. Ce qui me reste, c’est le plaisir de dépanner des objets, le cinéma, la marche à pied et la présence de ma conjointe à côté de moi au réveil.

Les grands moments de joie de ma jeunesse ont été les cadeaux de noël (le train électrique, enrichi d’année en année – que j’ai encore), le montage de mécanismes, la proximité de filles charmantes (avant que la puberté ne vienne modifier les motivations), l’acquisition de connaissances à l’école (surtout en physique et math), les cours d’éducation physique, l’arrivée par le courrier de mon hebdomadaire préféré, emmener ma mère en voiture au concert classique dans des sites historiques. Aujourd’hui les sujets de joie ont changé, mais les ressorts sont les mêmes. Récemment m’est venu le plaisir de donner mon expérience dans le domaine professionnel et celui de l’auto ancienne.

Il y a eu beaucoup de changements dans mes joies, mais le fond reste le même : les promenades dans la campagne, à Paris (l’architecture et les autres beautés), faire des travaux manuels : dépanner, travailler dans mes autos, jardiner.

J’aime marcher, bouger mon corps ; c’est une manière de respirer. Les changements au niveau de la connaissance et des idées me procurent de la joie : voir certaines idées ou connaissances devenir dépassées, en voir émerger d’autres de façon quotidienne. Le sport intellectuel me rend joyeux. Je fais en parallèle des balades au grand air et des petites lectures. La répétition des plaisirs renforce mon plaisir.

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