BRETAGNE

 

Ce que je prends, ce que je donne.

Landévennec, 23 et 24 octobre 2010

 

8 présents

 

- J’ai choisi de prendre ce que l’on me donne. J’ai bénéficié de beaucoup d’attention à la suite d’une intervention chirurgicale. Cela fait chaud au cœur ! Après une complication et beaucoup de souffrance, j’ai été opérée par un chirurgien étranger, très humain. Prête à tout, j’avais pensé le 4 mai que je ne reviendrai pas ! Et puis, on tient quand même à ce qu’on a. Mes enfants et mon mari ont été très attentifs, et les gestes d’amitié m’ont beaucoup aidée. Auparavant j’avais donné beaucoup de temps et de disponibilité, à mon mari, aux enfants ; j’ai eu un bon retour cette année.

 - Je suis engagée dans des associations auxquelles je donne du temps, comme  dans l’équipe de funérailles dont je fais partie. Je donne, mais je reçois aussi en retour des manifestations de reconnaissance comme cette personne qui me dit : « Un merci pour ce que vous avez dit ». Parfois c’est un billet de 50 euros…converti en « pot » avec l’équipe, ou une boîte de bonbons. Les gens n’arrivent pas à comprendre la gratuité de notre démarche ; certains acceptent mal les gestes gratuits. Dans le Trégor, on reconnaît mieux la gratuité que dans le Finistère sud où celui qui reçoit est toujours en dette. On ne veut rien devoir à personne : il y a une fierté à ne pas être en dette. D’un autre côté cela m’a arrangé de ne pas être du « pays » car les gens sont ainsi plus à l’aise pour parler.

 - Entraînée dans un rythme soutenu, j’ai l’impression de ne pas prendre ni de donner. J’ai été obligée cette année de faire un tri parmi mes nombreuses activités (conseillère municipale, être à l’écoute des femmes dans mon groupe ACF, animation de l’équipe liturgique…). Pour recevoir il faut savoir se ré oxygéner. J’ai été obligée de laisser tomber des a priori avec la famille suite à des ruptures de couples chez mes frères et tous les bouleversements que cela entraîne, y compris les relations fragilisées.

 - Militante d’Amnesty depuis 14 ans, j’accompagne deux prisonniers du Laos ; lors de leur mise en liberté ils ont demandé à voir le groupe de Saint-Brieuc. La rencontre à l’hôpital Pompidou était très émouvante : je devais accepter de recevoir après avoir donné. Après l’opération d’un décollement de rétine, mon retour, seule chez moi, m’angoissait un peu et j’ai vécu une solidarité inattendue grâce à l’intervention d’une jeune de 12/13 ans auprès de sa mère : « On ne va pas laisser E toute seule chez elle » et j’ai dormi la 1re nuit chez elles.

 - Le métier de marin m’a marqué : pendant huit ans j’ai été le seul français à bord… J’ai reçu des autres cultures et je pense n’avoir pas donné une image  trop négative de ma religion vis-à-vis des autres religions (sikhs, hindous, musulmans). Des mails m’arrivent encore suite aux échanges (écoute et parole) que j’ai eus avec certaines personnes. Mais on ne donne jamais assez… J’y vois l’importance de la relation à plus forte raison dans l’Église où cela ne se retrouve pas toujours.

 - Dans l’énoncé du thème j’ai changé le mot « prendre en recevoir ».

Actuellement, je n’ai plus rien, je pensais trop aux choses matérielles. Pour finir je retiendrai deux aspects :

- Celui de ma communauté qui reçoit, de différentes façons, le soutien de tous ses amis. Elle donne : par l’accueil (l’hôtellerie est Église), la liturgie qui est aussi une Parole.

Des gens viennent avec leurs problèmes psychologiques ; on accueille des clochards, des pauvres : ils sont reçus pour des temps limités.

- Notre communauté a aussi un secteur « dons » qui comprend les honoraires de messes et d’autres dons d’organismes connus. Ce que je reçois et donne est comme un mouvement d’aller et retour. Personnellement de la communauté je reçois tout : habitat, nécessaire pour vivre, sécurité du lendemain, soins…et aussi l’aide des frères. Je reçois aussi un cadre de vie qui favorise ma recherche de Dieu, la prière, un état de paix, la possibilité d’études et de culture. La vie monastique est monotone, usante (risque d’asthénie) et je reçois de mes frères l’exemple d’une vie fidèle, généreuse : c’est un stimulant, un réconfort.

L’enseignement quotidien du Père abbé nourrit la communauté ainsi que la prédication des frères et la parole personnelle aussi. La richesse du fait de vivre en frères fait que l’on n’est jamais seul : on peut toujours demander ; il y aura toujours quelqu’un qui écoutera pour donner.

Je reçois aussi ce que je donne : l’amour, l’attention, la sûreté. Je donne tout mon temps qui ne m’appartient plus. On peut en prendre un peu pour soi, mais c’est quelque chose qui coûte aussi de ne plus gérer son temps (on donne sa liberté).

Je donne mon travail pour faire vivre la maison, marcher l’économie ; c’est là que je donne le plus en disponibilité et fatigue, mais aussi une certaine fidélité à la règle car c’est important d’être tous là quand il faut l’être. C’est par tout ce que l’on fait pour les frères que l’on donne à Dieu. Partout dans la Bible, on retrouve l’importance du mot DONNER : à manger, à boire… « À qui te demande, donne », « Donne et tu recevras », « Fais l’aumône », « Donne gratuitement, dans la joie », « Vendez et donnez », « Où est votre trésor, là est votre cœur », « Ils mettaient tout en commun et obtenaient centuple en retour. »…

 - Par rapport à la communauté humaine, il est possible de faire attention  à nos achats, mais par rapport aux pays en développement, c’est compliqué et complexe. Je peux prendre sans que l’on me donne, sans recevoir, mais c’est dommage. Ma famille nombreuse m’a appris les échanges, et dans les décisions prises à deux on prend et on donne. On donne beaucoup de temps aux enfants qui nous emmènent sur des chemins inattendus et c’est très riche. Pareil avec les petits enfants ; la relation permet de créer ensemble même dans le conflit parfois pour poser des règles (horaires de télé, d’utilisation de l’ordinateur etc…)

Depuis quelques mois je participe à  l’accueil des marins (indiens, philippins, coréens, polonais) au Sea-men’s club et effectue des visites à bord des navires : le premier contact est d’ordre pratique (demandes de renseignements divers) puis ouvre petit à petit sur des échanges plus personnels comme par exemple la famille, les enfants, la spiritualité. On donne du temps mais il y a de très bons moments en retour.

Dans une période difficile, la rencontre cadeau d’une jeune femme avec une petite fille a provoqué un déclic qui m’a aidé.

 - Donner et recevoir, c’est vivre. Dans nos échanges il convient de veiller à ne pas inférioriser l’autre, ne pas être « colonisateur », laissant supposer que l’on a le pouvoir. Accepter de recevoir de l’autre, mais aussi savoir dire « halte » à certain public et être quelquefois directif pour être efficace et entendu. Les rencontres, c’est beaucoup de chance : pour ne pas être consommateur à vie, s’engager est une forme de merci. Je pense que les moines sont signifiants dans notre société : leur forme de vie et d’engagement nous interroge.