AIX-EN-PROVENCE et NICE
L’Étranger et moi
Interpénétration des cultures comme chemin de fraternité et de paix
Branguier, 3 et 4 octobre 2015
18 présents
Décorticage du thème, réflexions et témoignages
a) Qu’est-ce qu’un étranger ?
- Au sens du dictionnaire, étranger = autre nation, famille, groupe, ville
- Etranger rebondit sur étrange, surnaturel, avec ce que ça peut connoter de positif ou négatif
- L’étranger, ça fait écho à la notion que chacun a de sa vérité. Sur quoi est ce que je me fonde pour juger ?
- L’étranger en tant que ce que je pourrais être. C’est une question d’identification
- Interpénétrer n’est pas forcément réduire les différences, mais s’enrichir mutuellement de la conjonction des différences.
b) Distance / proximité
- Expériences positives d’accueil lors de voyages à l’étranger, et sentiment d’être parfois étranger dans mon propre pays. Situations où je me sens étranger dans mon pays, ma famille
- Qu’ai-je en commun avec l’étranger ? Suis-je prêt à accepter la différence ? Je retiens que la différence de l’autre est une richesse. Quel a été mon degré d’ouverture quand j’ai été imprégné chez l’étranger dans son pays
- Pourquoi, comment dans une rencontre avec un étranger, j’arrive ou pas à reconnaitre ou réduire la différence ; faut-il chercher le rapprochement, et/ou jusqu’où le pousser ?
- Ce que peut penser l’étranger de moi: ce que je dis ou fais, l’image que je donne- naturelle ou biaisée par sa présence ?
- Dois-je me sentir concerné par tout ce qui se passe dans le monde ?
- Pourquoi suis-je attiré sexuellement (ou pas) par un étranger ?
Témoignages :
A mon retour de Polynésie, je me suis trouvé plus à l’aise avec des moyen-orientaux qu’avec les français de métropole
Quand je suis venue en France, j’ai évité de fréquenter les autres latinos pour mieux m’imprégner
c) Peurs, handicaps et opportunités
- Les clichés qui faussent ma perception de l’étranger et gênent son approche
- Un « étranger » est quelqu’un de différent. Toute personne qui est non-soi est étrangère et toute peur de la différence replie sur soi
- Les handicaps qui me viennent de ma culture française, régionale et familiale
- Mes expériences de bienvenue ou de peur d’invasion; peur ou pas peur au sujet des grandes questions du monde et les évènements qui s’y passent
- Je suis inspiré par l’aspect positif de l’apport de l’autre culture, et ce que l’autre laisse dans ma vie.
- Mes motivations à aller ou ne pas aller dans tel ou tel pays: la religion, la cuisine, les odeurs
d) Coopération, collaboration
- Quand ai-je vraiment fait quelque chose avec un étranger ?
- La posture, le langage insipide et/ou universel utilisés pour ne pas blesser dans les relations de business international
Témoignage
L’orchestre symphonique me remplit de bonheur, car c’est une situation où il n’y a pas d’étranger, parce que le langage de la musique est universel
e) Valeurs
- Je connais des cas de mariages arrangés qui fonctionnent, grâce à l’apport d’une notion de valeur. Ça vaut aussi pour l’adoption d’un enfant étranger
- Comment je peux mieux comprendre l’étranger en connaissant l’Histoire.
- Réciproquement, c’est très éclairant de voir les étrangers dénigrer les Français. Par exemple beaucoup d’étrangers croient que les Français ne se lavent pas ! Inversement beaucoup de Français sont conscients d’avoir des attitudes désagréables, comme l’arrogance.
- Les religions comme facteurs de différence
Proposition de sous thèmes
L’exercice de mise en ordre et de reformulation, m’a conduit aux 5 catégories que vous avez vues plus haut, qui peuvent constituer autant de sous thèmes pour le groupe d’Aix. Au besoin, ils seront reformulés en cours d’année :
- Qu’est-ce qu’un étranger pour moi?
- Mes victoires contre les peurs ou handicaps dans la rencontre avec l’étranger - les opportunités que j’ai trouvées
- Les chemins que j’ai faits avec une/des personne(s) de culture différente - Mes expériences de coopération / collaboration
- Les valeurs que j’ai découvertes chez l’étranger, celles que je lui ai fait découvrir
* * *
COMMENT JE ME SUIS ENRICHI DE LA DIFFÉRENCE DE L’AUTRE
Branguier, 3 et 4 octobre 2015
18 présents
Groupe d’Aix
Un jeune arabe me donne de l’aide. Je le remercie. C’est tout naturel me répond gentiment son copain arabe lui aussi. Dans le bus, un homme se lève pour me laisser sa place : c’était le seul arabe du bus. Ces expériences font mentir les discours et les préjugés ambiants. Il faut connaître avant de juger. Il ne faut pas imposer aux autres, mais proposer. Ce message s’adresse en particulier aux politiques et aux religieux.
J’ai rencontré un cryogéniste chinois qui était en stage dans notre labo ; plus tard chef de labo en Chine, il m’invite à un congrès. La découverte de la Chine a été très enrichissante pour moi aux plans vie et travail.
Lors d’un buffet en Chine, je me suis sentie très sale car mon assiette était bordée de déchets alors que celles des Chinois étaient propres. Mais j’ai vu après, qu’eux crachaient leurs déchets par terre.
Jeune, frontalière de la Suisse, j’ai eu un vif rejet de ce pays ; ensuite j’ai eu un choc dans la famille de mon mari, mais j’ai découvert le monde paysan et l’intelligence du cœur. Sans cela ma vie aurait été très différente.
J’aime la diversité de mes origines culinaires, méditerranéenne et polonaise. Dans ma famille d’accueil, je refusais d’être avec mes congénères. Aujourd’hui j’ai grand plaisir à passer du temps avec les jeunes et les personnes âgées.
Deux exemples positifs. L’un est la synergie qui s’est mise en place avec mon dernier chef qui était d’une culture professionnelle très différente et qui a permis à chacun de s’enrichir professionnellement et mener à bien ses missions. L’autre est le rôle fort joué par mon épouse auprès de moi et qui m’a empêché de retomber dans les mauvais côtés de ma personnalité, mes vieux démons.
En pension, j’étais dans ma bulle et cherchais peu le contact. Orientée études, j’avais peu de contact avec ma famille qui était tournée vers la musique. Aujourd’hui je crois m’être ouverte à la diversité, en particulier dans le travail en équipe et je crois être payée de retour. Je crois que je me suis ouverte avec toutes les générations, mais pas avec les jeunes enfants. J’aurai bientôt l’opportunité de me rattraper avec mes petits enfants.
Après une présentation faite par un membre féminin d’une société américaine dans le cadre de mon métier, lors de laquelle les participants français n’ont fait que des critiques, celle-ci m’a ouvert les yeux en demandant à l’assemblée : « Y a-t-il quelque chose de bien dans ce que je vous ai présenté ? ». J’ai rencontré un musulman très généreux qui donnait sans compter. Il m’a appris ce qu’était la Baraka. Maintenant je donne plus volontiers des pourboires et me sens enrichi.
Au Brésil j’ai eu un jour une illumination après avoir vu massivement les vélos rouler à contresens sur la route, et j’ai senti que l’anomalie c’était moi. Ils faisaient ce qu’on recommande chez nous aux piétons, d’avancer face au danger. Une règle n’a cours que dans l’environnement où elle est appliquée. Il faut comprendre le « pourquoi c’est comme ça » avant de juger et prendre du temps pour y arriver. L’apport de la culture (latino américaine) de mon épouse m’a enrichi.
La notion de vie et sa valeur sont très différentes en Polynésie par comparaison à ici : j’ai appris qu’une femme avait échangé avec sa sœur un enfant contre une bouteille de gaz. J’ai eu du mal à m’y faire, mais ça m’a aidé à comprendre leur attitude face à la mort. Lors d’un voyage en URSS j’ai éprouvé une grande honte quand j’ai su qu’on avait privé les villageois de nourriture pour nourrir les touristes dont j’étais.
Après mes études en France, je suis rentrée chez mes parents au pays avec juste un sac, car j’avais décidé de revenir en France retrouver mon chéri. J’ai eu peur d’être séquestrée par mon père, mais je me suis trompée. Il a compris que c’était ma vie et m’a affranchie. Et il a acheté deux billets d’avions, soit pour venir en France, soit pour voir son futur gendre au pays.
On est tous l’étranger de quelqu’un. Une frontière peut diviser, mais aussi réunir. Juste après 1945, entre gamins frontaliers français et allemands, on refaisait les guerres pour rire. On s’est rendu compte un jour que notre terrain de jeu était un ancien champ de bataille. Puis on a recréé le jeu sur le mode cow-boys et indiens. En même temps on se disait qu’un jour il n’y aurait plus de frontière.
Groupe de Nice
Je n’ai pas spécialement connu d’enrichissement lié aux étrangers. Ce qui m’enrichit, c’est la différence, et notamment au niveau de l’âge. Je trouve particulièrement intéressantes les différences de génération. Le thème de la cuisine avait été particulièrement intéressant. Lorsque nous avons acheté la maison, il y avait de vieux cousins qui vivaient à proximité, comme des paysans. C’était un enrichissement que de les côtoyer. La dernière mixité qui me paraît importante, notamment au travail, c’est la mixité homme/femme.
Je rebondis par rapport à la mixité, et sur l’ouverture par rapport aux autres, et notamment par rapport à l’âge. Aux pingouins, il y a M., qui a une sensibilité particulière, et qui est d’une autre génération, et c’est particulièrement intéressant. Lorsque je vais sur la plage, avec ma belle-mère, j’ai des discussions qui sortent du cadre, et qui font du bien.
Nous sommes allés en Tunisie avec 3 copains et Mus, mon ami Tunisien. Mus n’avait pas prévenu sa mère qu’il amènerait 4 amis. Pas de réaction de la famille. À chaque fois que nous nous asseyions dans le patio de cette famille très modeste, habitant un quartier très modeste, une table était posée, avec du thé et des gâteaux. Nous sommes allés à la mer, et, en revenant, un gros plat de couscous au poisson était posé sur la table. Nous sommes allés à Djerba. Je me suis enfoncé une très grosse épine dans le pied, qu’on m’a enlevée à l’hôpital. Un jour après, j’ai eu une grosse fièvre, pendant 3 jours. La mère de mon ami m’a veillé. Elle m’a acheté de la viande. Elle s’est occupée de moi comme si j’avais été son fils.
Je me suis beaucoup enrichie de mon voyage au Japon. J’ai beaucoup appris. Cela m’a apaisée. Les gens étaient polis, calmes, agréables. C’était parfois presque obséquieux, mais très reposant. Les gens ne s’énervent pas. Cela change de ce que l’on peut connaître en France. L’entendre, c’est une chose, mais le vivre, c’était autre chose. Quand je suis partie en Afrique, lorsque j’étais jeune, j’ai vécu plusieurs mois dans un hôpital. Le personnel travaillait dans des conditions difficiles, mais il s’acharnait à faire pour le mieux, avec beaucoup de philosophie. La dernière chose qui m’enrichit, ce sont mes lectures. Le livre Les désorientés de A. Maalouf. Cela se passe au Liban. Un homme, avant de mourir, veut revoir tous les gens qu’il avait connus lorsqu’il était jeune et alors qu’ils s’entendaient tous très bien. Lorsqu’ils se sont retrouvés plus âgés, ils se sont déchirés.
* * *