L’ÉTRANGER ET MOI

Interpénétration des cultures comme chemin de fraternité et de joie.

 

Landévennec, 9 et 10 avril 2016

9 présents


Dans des cultures différentes, nos évidences et nos références ne sont pas forcément celles des autres. C’est difficile d’arriver à un « chemin de fraternité ». Cela dépend de l’ouverture et de l’éducation. On peut avoir des connaissances sans être fraternel. Quand on change fréquemment de pays, c’est encore plus difficile, mais il y a plein de « recettes » à appliquer en fonction de cet espace culturel que l’on découvre.

Dans la Communauté, il y a un frère vietnamien. Nous avons eu aussi un frère africain. On sent très vite la différence de sensibilités, mais la vie en Communauté n’est pas difficile.

Notre unité c’est notre même choix de suivre Jésus-Christ. Le frère africain est resté 15 ans chez nous et il est parti. Il trouvait qu’il n’était pas « reconnu ». L’Africain veut montrer qu’il existe… Il trouvait qu’il avait des responsabilités de second ordre ; il était infirmier, en second, et aidait à la bibliothèque. La diversité des races est assez facile dans une Communauté comme la nôtre. J’ai vécu 3 ans en Haïti… Nous étions là pour leur « apporter quelque chose »…

 

Avec le voisinage, il n’y avait pas de difficultés. Ils venaient vers nous pour demander… La relation ne s’établissait pas vraiment… L’étranger : celui qui est autre, différent. Il y en a toujours eu, mais, aujourd’hui, il y a plus de brassage. L’Amérique s’est constituée par un afflux de toutes les races. Ils ont réussi à faire une unité. La France aussi a connu les migrations. Elles font partie de notre histoire. Dans les années 50, on voyait l’étranger comme une force économique qui arrivait et on l’accueillait volontiers. Aujourd’hui, c’est plus difficile, l’étranger nous « fait peur »… « Regarde l’étranger avec la dignité qu’il a et les droits qu’il a… » (Déclaration des Droits de l’Homme). C’est important d’accepter la différence. La différence nous empêche parfois de voir la richesse de la culture de l’autre. Il faut arriver à une compréhension et un partage et ne pas chercher à imposer… Respecter la différence de l’autre… la rencontre des cultures n’est pas à vivre comme un affrontement, mais comme un échange enrichissant. Il faut beaucoup de temps pour que les étrangers trouvent leur place… Le dialogue avec les musulmans radicalisés est très difficile car ils ont une vision théocratique de Dieu alors qu’avec les musulmans modérés, il y a de la sympathie.

 

Dans l’Ancien Testament, on retrouve 190 fois le mot « étranger ». C’est toujours le rejet de l’étranger… Le peuple d’Israël a toujours été étranger dans son Histoire. Dans le Nouveau Testament, quand le mot est évoqué, c’est pour l’accueillir (noté 12 fois). Avec le Christ, tout a changé : fraternité nouvelle qui s’ouvre à ceux qui croient au Christ. Jésus nous apprend que nous sommes tous enfants de Dieu. La notion d’étranger disparaît… La mentalité de rejet disparaît aussi car le regard change… C’est un homme d’abord, un frère ensuite. Jésus demande même la préférence pour l’étranger. Depuis que plus d’étrangers vivent chez nous, notre regard a-t-il changé ? En France, 40 % des personnes interrogées se disent racistes… peut être plus… Vérifions-nous parfois notre sentiment, en tant que chrétiens ? Comment sommes-nous le signe de cette unité ? C’est difficile de changer notre point de vue sur l’autre.

J’ai appris beaucoup de choses avec les musulmans. Ils ont une ouverture plus grande sur le Monde et les gens.

 

Il faut apprendre à connaître l’autre. On est différent, mais on peut « apprendre de l’autre ». C’est souvent la religion qui fait aussi la différence. Il y a l’étranger d’un autre pays et l’étranger près de chez nous. Interpénétration des cultures ? Connaissance essentielle à l’ouverture… Volonté d’aller vers l’autre, de comprendre la culture de l’autre. Le fait de participer à l’accueil des marins fait qu’on essaye de les comprendre, de les connaître. Je crois beaucoup à la Pastorale du sourire. Il y a des limites à l’interpénétration, mais la différence enrichit. Sur le plan religieux, en tant que chrétien, on est interpellé. La fraternité naît des échanges. On sent des liens, il y a, parfois, de belles rencontres. Il est rare qu’on parle de foi… avec les Polonais parfois, mais on partage la joie, la fraternité, la compassion. Parmi les bénévoles, on a des bénévoles d’origine étrangère. C’est l’étranger qui accueille des étrangers… Un Syrien qui accueille et qui a vécu des choses difficiles… Attitude pour les chrétiens : aller vers l’autre, accueillir l’autre comme un Homme.

 

À l’hôpital, je fais des visites et on rencontre de plus en plus d’étrangers. La rencontre de l’étranger ne me pose pas de problème. Quand on n’a pas peur, on peut accueillir l’autre avec ce qu’il est et ce qu’il a. À l’étranger aussi de ne pas nous imposer sa façon d’être… Quand on va voir notre fils, à Bobigny, c’est impressionnant… Tous les produits sont « halal »… J’ai acheté des livres sur l’Islam. C’est important de connaître et de comprendre.

 

Je m’entends bien avec les étrangers quand le temps est limité. Je suis accueillante des cultures, je crois que c’est un chemin de fraternité. Quand je vais sur un bateau, c’est pour moi une rencontre avec le Seigneur. J’ai vécu 3 ans au Congo et cela a été difficile. « On se tait, on regarde, on obéit aux coutumes ». Difficile de vivre en communauté avec des sœurs africaines : pas la même forme de pensée. Je dois « prendre patience » pour travailler avec elles… Si on accueille des gens chez nous, il faut être très présent et encadrer. Au niveau de la musique, il y a de belles choses qui sont faites… les études, les arts sont des chemins pour vire la fraternité. Les ONG, le CCFD sont des chemins de fraternité. Nous avons une vision différente du Monde, du temps et de l’espace. Il faut connaître sa propre culture et sa propre foi… En même temps, être curieux des autres…

 

Vu mon métier, j’avais des contacts obligatoires avec les étrangers. Je ne naviguais presqu’avec des étrangers… tolérance importante, accepter que l’autre soit différent sans vouloir le convertir. Les liens sont faciles quand on arrive à plaisanter, sans se fâcher. Nous sommes dans l’année de la Miséricorde… il y a beaucoup de discussions sur les différences entre miséricorde et tolérance. La tolérance, c’est une attitude. Dans la miséricorde, il y a, en plus, une action. Celui qui est face à nous, c’est un homme (il a les mêmes prérogatives et les mêmes devoirs que nous). Ce que je regrette, c’est qu’avec le temps, les liens que j’avais tissés avec des étrangers se sont étiolés.