AIX-EN-PROVENCE ET NICE

 

JOIE ET SPIRITUALITÉ – LES JOIES DANS MES LECTURES

Porquerolles, 5 avril 2014

14 présents


Lors de visites de mosquées à Istanbul, j’ai été impressionnée par le calme, le silence et le dépouillement, après l’agitation de la vie de la rue. J’ai trouvé ça magique et ai ressenti une élévation, à la différence de nos églises et cathédrales. J’ai beaucoup aimé le livre Un évangile pour guérir d’A. Jodorowski où il revisite l’Évangile de façon totalement originale et personnelle. J’adore d’ailleurs tous les ouvrages de ce personnage inclassable, dont Le doigt et la lune et plein d’autres.

 

Athée congénital, je ne me suis jamais posé la question de l’existence de Dieu. Dans l’adolescence, mes éveils ont été faits par des lectures, Sartre et surtout Camus, notamment Le mythe de Sisyphe. J’ai eu un équivalent d’expérience mystique qui s’est terminé en catastrophe personnelle : un jour j’ai eu la sensation profonde et intime de l’historicité de mon être qui a débouché sur mon engagement au Parti communiste.

 

J’ai grand plaisir à communiquer avec les gens : c’est un lien avec le monde. J’ai aussi un plaisir intense à prendre connaissance des sauts conceptuels dans le domaine scientifique, notamment le passage de la génétique à l’épigénétique.

 

Vivre la spiritualité, c’est sortir de moi-même, être aspirée. J’ai vu en Irlande une abbaye du XIe siècle en ruines dans un superbe environnement. Le souffle de l’esprit m’est apparu une chose très concrète. Le tableau « l’Assomption » du Titien, avec ses 3 étages Dieu/Marie/ceux qui tendent les bras m’a aussi donné cet élan spirituel. Le mouvement du public devant le tableau m’a révélé que nous sommes sur terre, mais que nous pouvons nous arracher à nous-mêmes.

 

Ma spiritualité est affaire de cœur, de corps et d’esprit. Mes grandes expériences spirituelles ont lieu le dimanche à la messe. L’homélie parle à mon intellect, m’apporte la joie de l’esprit et le sentiment d’appartenance à une communauté, même si la relation n’est pas poursuivie. L’église St Remi à Reims m’a aussi donné cet élan spirituel. J’aime aussi la musique sacrée.

 

J’aime les polars et aussi un livre qui fut déterminant pour ma foi : Jésus, homme libre, d’un théologien qui a une vision percutante. J’ai aussi aimé le livre d’Etty Hillesum, jeune juive qui fit un cheminement vers Dieu dans un camp nazi.

 

Ma joie du cœur est plutôt la joie des tripes : d’abord la joie d’avoir terminé à temps le travail des foins avec père et frères, alors que j’étais le moins costaud. Ensuite, ce fut la découverte de Teilhard de Chardin qui voyait de la spiritualité partout. J’ai eu plaisir à lire ses livres dont le langage était compréhensible. Plaisir aussi avec le Nouveau Testament : les apôtres étaient tellement convaincus de la vérité du Christ qu’ils n’avaient plus peur de la mort.

 

L’Évangile dit que quand on jeûne on doit être joyeux. J’aime la musique de J.S. Bach notamment la Passion, quand la joie s’exprime alors que le Christ meurt. J’ai vécu une expérience joyeuse d’enseignement quand un élève de terminale en grande difficulté a réussi le bac à la 3e tentative, après que lui et ses parents ont in extremis accepté de suivre mes recommandations de choix de matières. J’ai aimé le livre Fleur de tonnerre de Jean Teulé qui relate l’histoire d’une femme qui a assassiné des dizaines de personnes, convaincue de les envoyer au paradis. Je suis passionné par l’art baroque : la musique, l’architecture, les églises : sombre en bas, lumineux en haut, il est fait pour qu’on élève les yeux.

 

Jeune, étant hébergée au Canada, mon hôte m’a offert un jeu de cartes porteuses de messages. Je l’ai gardé et l’ai ressorti récemment pour jouer avec mes enfants. J’ai craint qu’ils rejettent le jeu, et bien au contraire nous avons pris plaisir à lire ces messages qui sont toujours d’actualité. Mon père a écrit sa biographie sous forme de poèmes. Il est maintenant très âgé et malade. Quand je lui en lis un morceau, les souvenirs lui reviennent et il revit.

 

Il y a 3 lieux qui me portent : Saint Benoît-sur-Loire, la Pierre qui Vire – que je considère comme du roman, malgré l’époque – et Saint Didier en Velay. C’est pour moi le signe de la présence du Saint Esprit. J’ai vu au Benin des sœurs bénédictines rayonnantes malgré les difficultés matérielles de la vie. Le jour de la visite de l’évêque, leurs tenues étaient encore plus blanches que d’habitude. Je ressens rétrospectivement la joie de la lecture de Bernanos : à un moment j’ai eu la perception d’être non plus lectrice, mais personnage du livre.

 

La spiritualité est dans l’humain. Lors de randonnées dans les montagnes du Zanskar j’ai eu de la joie à voir les paysannes chanter, nous embrasser, nous faire des yaourts ; ensuite, à Delphes, lors de la veillée pascale, voir les embrassades et les feux d’artifice lorsque le prêtre annonce la résurrection du Christ. Puis à Noël en Éthiopie, quand 3 000 personnes font le déplacement à pied pour participer à la veillée. Je crains qu’on puisse faire erreur en croyant en un dieu créateur, mais j’ai foi dans la crucifixion d’un homme et les témoignages des apôtres. Joie de penser à la perspective de développement d’un bébé. J’aime la lecture de Raymond Devos, de Le petit Prince, La pesanteur et la grâce de Simone Weil, L’envers et l’endroit de Camus,…

 

Joie et spiritualité, ça ne m’inspire pas trop. Il faut être disponible pour accéder à la spiritualité. Mes lectures actuelles sont des B.D. Ce qui me nourrit actuellement, c’est l’amour de mes proches et les échanges de SMS avec mes enfants.

 

J’ai un problème avec la spiritualité. Je crois en un Dieu, mais pas forcément celui des religions. Mais la musique sacrée me transporte, ainsi que tout ce qui est très beau : des paysages, des êtres vivants, des objets. J’ai la joie actuellement de pouvoir faire quelque chose avec mon fils, ce qu’il semble attendre lui aussi de moi ; il s’agit d’une passion à lui qui rejoint la mienne.

 

Les vitraux médiévaux me dépassent et me procurent une joie indicible. Ils étaient le signe de la transmission de la foi, mais étaient plus accessibles aux instruits qu’aux gens simples. Ça m’a conduite à travailler sur la Bible et m’a aidée à me débarrasser de ma religiosité et à remonter aux pères de l’Église. Je suis interpellée par un texte de Pascal (Joie, joie, joie,…) écrit au cours d’une nuit d’extase, et qu’il n’a jamais communiqué à ses proches, signe de son intériorité profonde. Me mettent aussi en joie les lectures de personnes qui ont traversé des épreuves.

 

J’ai de la joie lorsque je me m’imprègne profondément de l’univers en montagne ou lors d’un vol en avion. J’éprouve aussi ce sentiment après un effort intense, ou avec les enfants. Mes livres préférés sont Terre des hommes, La condition humaine, car ils positionnent l’Homme dans la nature et nous ramènent à l’essentiel de la vie humaine.

 

Je suis dans la foi du charbonnier. Pour moi spiritualité va forcément avec la foi. Les mots « Il est grand le mystère de la foi » prononcés durant la messe, entretiennent la question, et il faut être parvenu à résoudre ce mystère pour ressentir la joie. À la Pierre qui Vire, j’ai eu la joie de voir ma pratique religieuse regonflée grâce à la rencontre d’une sœur.


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