LA JOIE DES AUTRES – LE PARTAGE DE LA JOIE.

Aix-en-Provence, 16 décembre 2013

 

12 présents


J’ai toujours partagé la joie avec les autres. J’ai vu la joie de notre fille quand elle a accouché, alors même que la photo ne la montrait pas souriante. J’ai vu la joie dans l’expression de visage d’élèves quand ils recevaient des bonnes notes. J’ai vu la joie retrouvée de citoyens tchèques après la chute du mur et le recouvrement de leur liberté. L’emploi par dérision du mot « tovarich » nous a fait piquer un fou rire collectif interminable.

Une collègue m’a raconté sa rencontre avec son père malade. Elle a ressenti une grande joie de l’entendre se livrer. Mais elle avait dû faire auparavant du travail sur elle pour y arriver.

J’attends un grand moment de joie à l’occasion de la soutenance de thèse de médecine de ma fille.

 

J’écris des contes pour mes petites filles dans lesquels je parle de la mort. L’une me dit un jour : on ne mettra pas ton manuscrit dans ton cercueil, car alors, je ne pourrais pas le raconter à mes enfants. Je leur apprends à vivre au temps présent et à réfléchir.

À la mort de maman, on lui a apporté une bière ; cela a fait sourire les enfants.

J’ai toujours un stylo avec moi ; j’écris tout et je me relis ensuite ; ça me donne des petites joies.

 

Accueillir la joie des autres n’est pas toujours facile, c’est tout le domaine de l’amour.

La joie est quelque chose de personnel ; je ne crois pas qu’elle soit communicative par nature, à la différence du rire ou de l’extase. La joie des autres peut me donner joie, indifférence ou peine : la lumière dans les yeux de mes enfants me donne de la joie ; la joie du supporter de football me laisse indifférent. La joie de celui qui vient de me souffler la dernière place me casse la joie (et la chance) de participer au spectacle – à moins que ce soit un ami. Le dépit d’un autre (pas exactement la peine), peut aussi me mettre en joie (par exemple quand j’ai pu déjouer des manœuvres mensongères d’adversaires industriels ou de commerciaux). Je pense que la joie se communique ou pas selon qu’il y a ou non partage de valeurs ou d’élans personnels.

 

Je ne suis pas footeuse ni accro de la télévision. J’ai donc suivi la coupe du monde football par les hurlements des voisins, et ça m’a laissée dans une indifférence totale.

 

J’ai un frère que j’apprécie peu et que je trouvais insensible. Pourtant, il m’a témoigné un jour de son émotion après avoir vu une procession de jeunes des JMJ, de nuit dans la garrigue. C’est pour moi un exemple très concret de diffusion de la joie dont ils témoignaient.

 

M’ont communiqué la joie des autres : l’assistance à des offices religieux en monastère, l’échange avec les moines, la préparation au mariage avec notre curé. Partage également dans un restaurant grec où les gens dansaient.

 

Avec un ami avec qui nous organisons souvent des choses, j’ai l’assurance que nous allons toujours passer des moments joyeux. J’ai partagé aussi la joie de mon ami qui retrouvait ses racines corses en confectionnant de la charcuterie. Malheureusement pour moi, je n’ai pas de racines.

 

J’ai vu la joie, mais entendre « je suis content pour toi » ne me touche pas vraiment. Il est difficile avec certaines personnes de savoir si elles sont joyeuses. Avec ma fille, il y a une spirale positive, un effet mayonnaise. Avec mon père qui s’exprime peu, on a réussi à passer une heure à rire de blagues alors que nous étions géographiquement très éloignés l’un de l’autre et reliés par nos ordinateurs.

 

Quand mon neveu est devenu grand-père, il a cherché à partager sa joie avec nous. La joie peut être communicative. Notre fils faisait souvent venir une copine à la maison car quand elle était là, j’arrivais à rire ; c’était l’époque où notre autre fils était gravement malade. J’ai partagé la joie des footballeurs amateurs de ma ville en faisant la groupie habillée comme eux. Depuis l’âge de 10 ans et jusqu’à 50, j’ai chanté toujours la même chanson lors de fêtes familiales. Bien plus tard, spontanément, ce sont mes neveux et nièces qui l’ont chanté lors d’une fête où j’étais présente.

 

La joie peut avoir différentes manifestations : éclats de rire, ou lumière dans les yeux, le visage restant impassible. C’est plutôt le deuxième cas qui me caractérise. C’est principalement la joie des autres qui m’anime. Exemple, lors du passage de thèse de médecine de mon fils, le ravissement d’une infirmière et d’une aide-soignante, personnes qui n’étaient pas du clan des médecins

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J’ai du mal à exprimer ma joie, surtout en public, mais mon travail donne souvent des occasions de partage de joie. Un copain qui gagne au loto, ça me ferait plaisir ; un quidam qui gagne, ça m’agace plutôt. Tout ce qui a trait au football me laisse de marbre, mais ça ne m’a pas empêché lors de la coupe du monde de 1998 de faire – quoique brièvement – la fête dans la rue.

 

J’ai des souvenirs de joie extrême, quand dans ma famille d’accueil, la vie défilait sans souci.

Exemple d’une petite joie qui m’a surpris, précisément par cet effet de surprise : une copine avec deux enfants qui avait une vie difficile m’a fait partager sa joie, alors que je n’étais qu’un copain de second rang.

 

La joie se communique par des choses simples – des regards, des sourires – sur des sujets simples. Dans notre monde, il n’y a plus guère de place pour des choses simples, et je regrette qu’on se soit éloignés de ces opportunités.


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