QU’EST-CE QUE JE PARTAGE ET AVEC QUI ?

Aix-en-Provence, 1er mars 2008

22 présents (Aix et Nice)

Finalement, je partage les petits moments du quotidien avec ma famille, un bon fromage, une marche, ce que je préfère plutôt qu’aller au loin. Quand j’ai un coup de déprime, je partage avec des amis proches, cela me permet d’avancer.

 

Quand j’ai cessé d’être communiste et après 10 ans, ce qui me semblait être un engagement dans la société, une espérance en l’avenir, et qui était très exaltant du point de vue intellectuel, s’est révélé trop idéologique. Je n’ai d’espérance d’avenir qu’avec la famille et les amis. Avec mes patients, il y a un partage.

 

Je trouve le partage quand je ne le recherche pas et cette surprise est une grande joie. En montant au Stromboli, je savais qu’il y avait 35°C en bas, à peine 8°C en haut. J’ai prêté des couvertures de survie à des enfants frigorifiés. C’était un drôle de partage.

Aux pingouins, on partage plus par l’écoute que si tout le monde parlait en même temps.

 

Même chose pour moi. Les pingouins sont une occasion de partage. Ce que nous faisons, nous le faisons librement ce qui est le contraire d’un partage subi. Si je donne, je reçois aussi. St Thomas disait que le vrai sens du partage est la partie du don qui n’attend pas de retour. Il y a l’écoute dans le partage.

 

Le partage, l’échange, c’est donner un sens à une expérience vécue. Lorsque je vais seule voir un film, c’est différent que de l’avoir vu avec d’autres. Cela enlève de la valeur. C’est comme préparer un plat avec ma fille, un repas avec des amis. Mais il ne suffit pas d’être entourée pour ne pas se sentir seule.

 

J’aime partager ce qui me plaît. En avion pendant un baptême, c’est de laisser les commandes au nouveau venu. Pendant les vacances, nous avions emmené avec notre fille, une de ses amies qui avait un bon niveau. J’ai apprécié de partager avec elle.

Je ne partage pas ce que j’aime avec mes enfants. Je ne sais pas pourquoi, mais cela ne me gêne pas.

 

Quand on est en bateau tous les deux ou avec des inconnus, on partage. Dans le quotidien, je soutiens le moral, je donne le cap avec une humeur égale. Cela supprime les disputes et maintient la cohésion. Avec des amis, on vit des moments magiques. C’est imprévisible. En allant à Belle-Île avec des connaissances, il n’y a pas eu d’échanges verbaux mais l’échange a quand même été là et c’est l’essentiel.

 

Quand je suis moniteur de plongée, il y a des moments de partage constants dus au fait d’apprendre et de faire découvrir. Je suis un célibataire endurci avec deux chats. Je compense l’échange de non dits par des moments rares de retours extraordinaires.  Mitterrand disait que quand on pouvait passer du temps sans rien se dire, c’était de l’amitié. Je préfère aller au cinéma avec quelqu’un que tout seul. Il y a quelque chose chez mes amis de Manosque que je ne comprends pas. On parle, on mange ensemble. Je deviens une éponge … L’écoute c’est peut être le don de soi.

 

Je ne suis pas prêteur et pas très donneur.  Ça m’a arraché le cœur de partager ma grande gourde avec un non prévoyant.  Ça m’a frappé d’entendre Simone Veil raconter qu’elle avait laissé sa gamelle à une codétenue.  Elle a dit : « Si elle me l’a prise, c’est qu’elle en avait plus besoin que moi. » Le partage peut ne pas être réciproque. Je veux profiter d’une balade, d’une lecture tout seul. Mais depuis un moment, j’apprécie de partager avec mon fils. On peut échanger sur une même passion, mais chacun en tire une expérience personnelle : voile, randonnée, cours avec des jeunes, voitures de collection. C’est un vrai bonheur.

 

Dans une famille nombreuse, quand on partage un fruit, soit on donne une moitié à l’autre et c’est l’engueulade, soit on propose de choisir et c’est toujours vrai. J’ai besoin de solitude et de partage. Partage de ma foi, d’un effort, d’une classe de musique. À propos des Terres australes, avec des familles, on a eu des échanges fructueux surtout avec des 8-10 ans. Il n’y a pas d’âge pour partager.

 

Le partage, c’est échanger, donner, être avec, solidaire.

On partage le temps, le pain, l’argent. Le repas est très important. Aux îles Kerguelen, on était 60 à la cantine. Le temps c’est le plus important parce qu’on en manque toujours et parce qu’il faut gagner sa nourriture pour faire vivre la famille. J’ai travaillé dans la recherche. Il y avait un type au boulot avec une machine qui fonctionnait 24h sur 24. Il a appelé à l’aide. On l’a tous aidé. On échange dans la technique, sur la méthode, la pédagogie. Tout n’a pas la même importance. Cela dépend des individus. Avec mes petits-enfants, j’explique pourquoi il faut faire comme ci ou comme cela.

 

Quand survient une grande joie, j’ai envie de partager tout de suite. J’ai eu dernièrement un vrai bonheur de partager la conduite de ma nouvelle voiture avec un ami. C’était un vieux modèle.

Ayant travaillé seul pendant des années, j’apprécie de pouvoir partager avec mon client qui reprend la suite professionnellement : on partage le suivi technique et le commercial de mes inventions : mes bébés comme je dis souvent. Il y aura une continuité et je suis quelque part apaisé. Mon voisin de travail et ami a besoin de moi. Je l’aide sur la gestion et je suis heureux de partager la vie de sa société avec lui.

Avec mon fils, je partage de plus en plus. Je l’aide sur la gestion de sa nouvelle entreprise et c’est l’occasion d’aller le voir à Paris. Un vrai bonheur.

 

Je partage plein de choses. Ma notion de partage a évolué. Avant c’était fusionnel. Être d’accord sur tout. Puis petit à petit, j’ai apprécié l’enrichissement apporté  par des points de vue différents du mien. Maturité ? Ensuite il y a eu deux formes de partage : l’immatériel comme la foi, mais je ne partage pas avec n’importe qui ; et les cérémonies où il se passe quelque chose.

Le silence, marcher avec un ami, partager même dans l’effort. Partager pendant un repas. Apprécier un paysage, faire des courses avec une amie, écouter les enfants.

Le matériel, c’est le fait de partager mes habits avec ma fille ; ce n’est pas toujours agréable, mais parfois c’est flatteur. En musique, je ne joue pas encore assez bien du violon pour jouer avec d’autres.

 

La musique est très importante pour moi. Je chante depuis toujours. J’éprouve des émotions en concert, dans les chœurs, ça me transporte. On s’aide, coiffure, tenue, maquillage. Samedi dernier, c’était l’anniversaire de notre chef de chœur. Nous avons chanté. J’en avais les larmes aux yeux. Mon mari est mon meilleur ami. Ce n’est pas toujours facile. Nous ne partageons pas le piano et le chant. Il y a des choses que l’on ne partage pas : les peurs, ….

 

Il y a deux facettes : passer du temps seul sans rien partager (piscine, courses, rêves), parce qu’on a besoin de solitude pour garder un temps à soi. Et il y a le partage. Les moments vécus seul permettent de goûter les moments de partage.  Beaucoup de non dits peuvent être forts. Même avec des gens que l’on ne connaît pas. C’est un réel plaisir. Et puis il y a le partage d’une souffrance. Pendant un marathon, on essaye de se soutenir, d’aider l’autre à se dépasser. Au décès de mon père, on a échangé au dernier moment, comme pour rattraper le temps perdu. En famille, on partage plus pendant les vacances que pendant l’année. J’ai deux ados sympas, sans conflit. On joue encore comme s’ils avaient 5 ans.

 

Quand nous étions gamins, mes parents ont acheté une ruine qu’ils retapaient dans les Alpes de Haute Provence. Mon frère et moi avons construit une cabane. C’était un moment de plénitude et de partage. On jouait avec des riens.

On partage à la chorale.  Si on fait de la musique, seul, on finit par tourner en rond. De même dans les discussions. Il y a des partages qui coûtent, comme de laisser ses enfants à sa belle mère.

À la fin, on recueille les fruits.

 

C’est difficile de partager avec ceux que l’on aime. Pour moi le don de soi est le contraire de l’échange. Malheur à l’homme seul. À part la lecture, je préfère aller au cinéma, théâtre, concert, accompagné. Je pourrais quasiment tout donner sauf ma brosse à dents et mon chien. En vieillissant, on se rappelle l’essentiel. J’ai senti le partage amical de la souffrance quand j’ai reçu les condoléances pour la mort de mon père. Je partage mon logement avec un Vietnamien. Modèle de discrétion et pourtant ce n’est pas facile.

En empruntant le bus, je ne supporte pas les forfaits illimités des portables. Je préfèrerai être seul dans le bus.

 

J’aimerais qu’on réhabilite les belles mères. Avec mes petits-enfants réunis, le quotidien est parfois pénible du fait des tempéraments variés. La marche, le ski, le travail ont cimenté la famille. Mon beau-père était un homme juste mais dur. Je l’ai découvert dans le travail aux champs. Avec mon mari, ce n’est pas toujours l’harmonie. On fonctionne par affrontements. Je ne peux vivre ma foi seule. J’ai besoin d’en discuter entre amis mais plus difficilement avec ceux qui sont trop plein de certitudes.  J’ai besoin de lieux où je peux parler.

 

Je suis un époux heureux. Dès le début, on a partagé sur des sujets variés, en marchant, seuls ou avec des amis, avec la famille en Corse. D’un autre côté, j’ai besoin de solitude. Je suis pêcheur de poissons, heureux de partager mes prises.

En Corse, à 18 ans, avec un copain, on pêchait toute la journée. En échange, d’autres préparaient le feu. J’apprécie les pingouins et la réflexion partagée.

 

Le partage c’est quand il y a de l’émotion, même en silence. C’est une ambiance. Je ne suis pas très à l’aise en parole. Quand quelqu’un parle et qu’on écoute, c’est un don de soi, une écoute bienveillante. Je suis de nature solitaire. Je me lève même seule, le temps d’admirer quelque chose. On a l’impression de ne pas être seule, la terre est habitée. Il faut différencier ce qui vient et ce qu’on attend. Sinon ce n’est pas forcément gratuit.

Dans le partage, il y a la notion d’harmonie. Partager en famille, partager dans la douleur avec des gens que je ne connais pas, partager au moment des ruptures. Ma grand-mère éprouve une grande douleur de ne plus pouvoir partager avec des gens de son âge.

 

La semaine dernière, je suis allée au cinéma avec les 3  générations, enfants, nous-même et mon père.  Quelle joie ! Plus tard, ce fut une joie d’en parler à table. C’est la première fois qu’ils parlent ensemble d’un film. J’ai pu partager avec des amis qui m’ont aidée lors d’un coup de blues (mon mari étant  absent).  C’est plus facile de donner que de demander.

 

Partager avec mes enfants, petits, ne m’a jamais posé de problème. Partager des moments fugaces, où on est sur la même longueur d’ondes pendant quelques instants rapides.  Avec ma femme, plus on se connaît, moins on arrête de se parler !!!

Descente en surf avec ma fille. Moment privilégié. Regard fugace. Plongée sous marine : j’ai voulu partager avec mon épouse : c’est difficile car on s’angoisse mutuellement.

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