De quoi ai-je peur ? Pourquoi ? Qu'est ce que je fais, individuellement et collectivement, pour limiter ma peur ?

Cassis, 2 avril 2011

 

20 participants (groupes d’Aix et Nice)

 

J’ai peur de beaucoup de choses : des humains, des tremblements de terre, celui de 1909 a marqué ma famille, du résultat des élections, qui m’a anéantie cette semaine, du nucléaire... Alors j’ai choisi de vous raconter la plus grande peur de ma vie : j’avais dix-huit ans et pour la première fois je découvrais la maison familiale de la grand-mère de ma fille. Fermée depuis plusieurs années, peu utilisée, faute de chauffage et de confort, elle gardait les souvenirs de plusieurs générations. Sur les murs des chambres, les yeux photographiés des ancêtres nous regardaient. Impressionnée, je refusai de dormir à l’étage et je voulus ouvrir la banquette du salon pour m’y réfugier. Les habitants du village venaient nous saluer : « Tiens, « aco pa mau » (ça alors), vous avez placé le canapé comme quand le grand-père est mort, on rentrait par là et on sortait par l’autre porte » ; ex maire du village, résistant, farceur, chasseur, coureur de jupons ... le fameux grand-père a marqué les générations. Le soir arrivé, je m’allongeai, sachant déjà que j’aurais du mal à m’endormir. Je restais suspendue aux bruits, aux craquements et j’essayais de rationaliser. Au milieu de la nuit, j’en eus la certitude : les coups sourds et les mouvements de chaînes métalliques qui me parvenaient étaient bien réels. J’étais au fond des couvertures, terrorisée, persuadée que les fantômes allaient au mieux me rendre visite. J’ai dû m’endormir. Quand j’ai raconté ma nuit le lendemain matin, j’ai appris que le « salon » était attenant à une vieille remise de village. Un ranch y abritait ses chevaux les chaînes étaient leurs attaches et les bruits sourds provenaient de leurs sabots. On ne m’en avait pas parlé, on n’avait pas eu la visite du propriétaire, c’était un collabo ! J'ai peur aussi sur les bateaux quand la mer est trop forte, mais avec vous et Scouby comme capitaine, je surmonterai. Je vous embrasse, à demain.

Ma plus grande peur : quand j’ai créé mon entreprise, j’ai eu une peur viscérale de me retrouver sans rien. J’ai eu de la chance qu’un ami m’ait facilité l’accès à la distribution d’une carte Esso. Pendant mon problème cardiaque, je n’ai eu peur ni de la mort ni de la maladie. Je n’ai pas peur du nucléaire, mais par contre j’ai eu peur de devenir clochard.

 Je n’ai pas peur du nucléaire, mais davantage des abrutis qui hurlent au loup. J’ai peur du comportement mécanique et des bruits dont je ne connais pas l’origine. Petite, lors d’un déménagement entre Noël et Jour de l’An depuis la région parisienne vers le sud par beau temps, je me suis retrouvée sous l’escalier et j’ai hurlé !

 J’ai peu de besoins donc peu de choses peuvent m’atteindre. Cependant, j’ai besoin de thésauriser : c’est peut-être dû à la peur de manquer de ma grand-mère ! En trek je n’ai pas de problème. Si je perdais mon travail, j’aurais peur de m’ennuyer car il remplit bien ma vie et je ressentirais comme un grand vide. Je stresse par rapport à la maladie pour moi et mes proches. Je remercie Dieu de ma santé actuelle et pourvu que ça dure ! J’ai réussi à vaincre certaines peurs au niveau du sport : la mer profonde, les méduses. Quand je cours la nuit, j’ai peur des chiens errants. Mais ma plus grosse angoisse est par rapport à mes enfants s’ils faisaient une rencontre avec un fou malade.

 On dit que la peur est mauvaise conseillère ! J’ai plus peur de moi que des autres. Pendant ma jeunesse, en Mayenne, j’avais peur de la nuit, du diable… La peur possède deux aspects : un négatif irrationnel et un positif rationnel et protecteur qui permet de réfléchir et de ne pas être casse-cou tout en étant téméraire. J’ai une peur de la répression abusive, d’être « pris » sur les routes. J’ai peur de perdre ou de me faire avoir, donc je place mon argent.

 J’ai peur de manquer de matières premières non remplaçables (tungstène, poisson, or de l’ordinateur…) ; peur de mauvais choix au niveau de l’économie de marché suivant les seuls critères de l’argent. J’ai peur de vieillir, de la maladie et non de la mort pour l’instant. Ma plus grosse peur est celle de ne plus être aimé. Je vis dans une bulle, dans un confort non raisonnable et de ce fait je passe à côté d’un autre monde : j’ai des problèmes de riches ! Par rapport à tout cela, je ne fais pas grand-chose sauf à chercher à apprendre vis-à-vis du vieillissement, à me concentrer sur ce qui est important vis-à-vis de l’amour.

 Peur de rien ? En fait, j’ai peur de ne plus avoir la possibilité d’aimer car on ne peut pas vivre sans amour et de ne pas être présente à ce que la vie me demande aujourd’hui. Jeune, à 6 ans, je me suis perdue dans mon lit, je ne trouvais plus la sortie. Il faut apprendre à aimer sans rien attendre des autres et à travailler sur soi pour éviter d’être triste.

 Certaines peurs de jeunesse ont disparu comme celle de me dépasser en sport (la corde, la barre fixe…), de quitter ma maison lors d’un jumelage de l’école avec l’Allemagne. J’ai toujours peur du vertige. Aujourd’hui, j’aurais peur de devoir refaire ma vie à la suite d’un accident, d’un malheur familial, d’un désastre social, d’une guerre. J’ai refusé dernièrement d’assumer une responsabilité  trop grande par rapport à ma capacité dans un pays étranger. La peur de me dépasser existe toujours.

 La peur du noir (cave, escalier) que j’avais étant jeune a disparu. Dans le sport, je suis parfois imprudent : je me suis retrouvé coincé dans un trou lors de pêche sous-marine, en escalade en montagne, je me suis retrouvé incapable ni d’avancer ni de reculer avant de retrouver ma maîtrise. J’ai peur de manquer, donc je n’aime pas jeter et je mets de l’argent de côté. J’ai besoin d’être rassuré, donc je préfère maîtriser la situation plutôt que de me lancer à l’aventure. J’ai également peur d’être rejeté et ai du mal à dire « non » sauf à compenser en donnant des conseils. Je n’ai pas peur de mourir, mais peur de perdre quelqu’un. Jeune, j’ai eu peur de perdre un ami lors d’une sortie de pêche. Ma timidité cache une peur de l’autre. J’ai également peur de perdre ma famille, mais j’ai une certaine foi qui limite ma peur.

 Mes peurs d’aujourd’hui sont liées à la pensée irrationnelle, l’obscurantisme et la peur des mots (par exemple le mot « nucléaire »). Ceux qui nous dirigent tiennent de plus en plus compte des ignorants (le film d’Al Gore ou d’autres impostures officielles comme les éoliennes, l’utilisation de referendum). J’ai peur de la guerre mondiale ainsi que de la maladie d’Alzheimer.

 J’ai deux peurs identiques :

* L’affaiblissement du lien social, des liens politiques qui ne correspondent pas à mes espoirs de jeunesse avec l’affaiblissement de la république. Le sens collectif a été perdu chez nos politiques. L’obscurantisme avec une image de la femme dégradée (à la télévision italienne n’apparaissent que des pin-up, aucune femme de plus de 40 ans) et la peur de l’islam.

* La détérioration intellectuelle peut-être parce que j’ai dorénavant plus le temps de penser et que cela ne débouche sur rien. Par ailleurs, la peur de la perte des liens affectifs avec mes proches m’angoisse un peu.

 J’ai beaucoup d’imagination qui me génèrent plus de craintes que de peurs. J’ai encore peur des souris et du vide en montagne. On se projette dans des situations. Je n’ai pas de vraie peur, je fais peut-être confiance à tort. La peur de manquer d’amour ne m’a jamais effleurée. Le pire m’étant arrivé, je n’ai pas d’autres peurs ni dans l’avenir. En Afrique, on voit le pire de l’homme ; on retombe dans la barbarie et c’est très inquiétant, mais il y aussi de belles choses, des gestes de solidarité… Je crains mon égoïsme, mon égocentrisme ; j’aime que le monde tourne autour de moi !

 Il y a deux sortes de peur : celles qu’on vit  (il y a 4 ans, un accident de voiture) et celles qu’on projette (perdre son boulot car très structurant, peur de la misère qui n’est pas liée au manque, mais à la perte de statut social). Un jour, brusquement, mon mari m’a dit : « S’il m’arrive quelque chose, tu disperses mes cendres ». Dorénavant, j’ai l’angoisse à partir d’une certaine heure lorsqu’il n’est pas rentré. Notre fille a eu un pronostic vital ; au-delà de la peur, il y a le vide, le néant. Depuis 4 ans, je suis un chemin de foi ; je me sens protégée et je remercie la Vie.

 Nos peurs venaient de nos parents avec la guerre comme grand traumatisme et dans ma vie, il s’agit de ma plus grosse peur. La haine monte dans la société ; mon fils a été victime de racket avec agressions. Au skate, les jeunes magrébins n’ont plus de notion de l’effort. Ça peut finir assez mal à cause d’un crescendo de violence. Que fais-je ? J’essaye de le conseiller car la peur nous enlève nos libertés. Je refuse la manipulation ; le Front national est une calamité nationale, mais j’aimerais bien voter pour quelqu’un qui sorte du communautarisme, qui cherche. Je donne à la fondation des orphelins d’Auteuil car ce sont des gens qui font quelque chose, qui donnent une chance à certains.

 J’ai vraiment beaucoup d’imagination : je me réveille en croyant qu’il y a quelqu’un. J’ai peur du vide sans la rambarde de sécurité et je ne supporte pas que quelqu’un s’en approche. J’ai eu peur 2 à 3 fois de mon fait en plongée et, en se concentrant, on retrouve des solutions. Pour les gens que j’encadre, j’ai rarement peur ou quelquefois a posteriori. Je redoute la guerre ; depuis le 11 septembre, j’ai l’impression que nous nous y dirigeons. À la télévision, on ne voit que des flingues ou des fesses ! Je projette l’annonce de la mort de certains proches, ce qui me met dans tous mes états.

Jeune, j’avais peur de la foudre, des orages dans le Massif Central ; je me perdais sous les draps avec l’impossibilité de trouver la sortie et avec la peur de m’étouffer. J’avais peur du bassin car ma sœur est tombée dedans ; je lui ai sorti la tête en tirant sur ses grands cheveux, elle hurlait ; j’ai eu peur de voir mourir ma sœur. Peur en montagne près des crevasses ; en voiture sur la neige. Peur de mourir sans y être préparé c’est-à-dire par accident. J’ai peur des autres en voiture presque chaque fois que je prends le volant. Peur de l’avenir de la société car on nivelle tout par le bas : où va-t-on ? disputes, conflits, guerre.

 Peur de la maladie, des études pour les enfants, des araignées, des scolopendres, des couleuvres. J’y pense tout le temps et j’essaye d’affronter mes peurs. Peur de la maladie d’Alzheimer.

 Chez moi, il n’est pas bien d’avoir peur. J’ai monté une entreprise : très bien ; il ne faut pas faire de bêtise, ne pas être tête brûlée. Elle est sans peur, elle a osé prendre la parole en public. J’ai peur d’autre chose : de ne pas être utile, d’être à la charge de quelqu’un. Pour son mariage, notre fille voulait recevoir à l’abbaye de Silvacane : pas possible ! Recevoir des amis australiens : si on a trop peur, on se barricadera à la maison ! Ce mariage a été merveilleux malgré toutes ces peurs préalables. Vivre sans peur et faire confiance permet de partager dans la joie. Dans l’organisation d’un colloque, si on ne veut pas avoir peur, il faut savoir faire des choses avec les autres. Lors d’un accident d’avion, on est ensemble. Les Juifs déportés ensemble ont-ils eu peur ? Très malheureux sûrement. Que faire ? de l’associatif. Peur de la bêtise collective.

 Peur des araignées, du noir, de Zorro, mais je voulais le voir. J’ai eu très peur pour mon fils, brûlé par une décolleuse à papier. J’ai peur de la souffrance même si je pense pouvoir la supporter. Jean-Paul II disait « N’ayez pas peur ». Arriver à surmonter ses peurs, avoir confiance. Peur en l’homme capable du meilleur et du pire.

 Je n’ai pas trop peur en général sauf dans des conditions délicates dans la nature à la montagne ou en mer. J’ai peur de la souffrance et de devenir « légume » plutôt que de la mort. J’ai peur pour mes proches et la seule chose que je puisse faire est de leur conseiller de savoir profiter de l’instant présent, d’éviter de se projeter et de ne voir que le côté négatif.