AIX EN PROVENCE

Réunion du 4 décembre 2020 sur le thème

"Mon regard sur le principe de précaution inscrit dans la Constitution (abrégé PP)"

J’ai noté les motsclé du PP suivants: ‘prévention des risques’, ‘choix politique quand la science et la technique ne produisent pas de certitudes’, ‘application à l’environnement et à la santé’. Je trouve bon qu’il y ait un principe, mais je ne sais pas si ce qu’on observe en est une application correcte ou déviante. Le propre de la science est de ne pas donner des certitudes, mais des thèses, des plages d’incertitude, des taux de confiance ou des probabilités. Quelles précautions faut-il prendre dans cette incertitude? L’aéronautique est un domaine où le risque est présent, identifié et géré rigoureusement. Je crois qu’on ne peut pas en dire autant pour le climat ou une épidémie. Quelle politique sérieuse peut-on bâtir quand les incertitudes scientifiques sont grandes et les consensus faibles? J’ai peut-être bénéficié des effets positifs du PP, mais je n’en suis pas conscient. Inversement j’ai mal vécu l’annulation de dernière minute d’une fête de village à cause d’une alerte météo, qui ne s’est pas manifestée. Quel gâchis, et quelle perte pour tous ceux qui se sont investis!

Pour moi, le PP est cause de frustration et de prise de tête. Le PP empêche l’innovation et la concurrence et permet aux politiques de fuir leurs responsabilités, de procéder arbitrairement et de conduire des politiques de non-risque. Le PP est en opposition au droit européen et est inverse au principe de présomption d’innocence. Il donne le champ libre aux assurances pour imposer leurs exigences. A l’hôpital, on fait endosser la responsabilité au patient. Le PP ne devrait être bâti que sur une analyse bénéfice-risque; les politiques la font pour nous. Pour moi, le PP met la pagaille et ne protège que les élites.

La Covid m’angoisse un peu. Le PP serait une catastrophe s’il s’y appliquait. Le risque Covid est maintenant un peu connu. Le vaccin peut être un facteur de risque, de par sa nouveauté et le refus d’un pourcentage important de la population. Si le PP s’applique, ce sera sur des phantasmes, et ça permettra de dédouaner des responsables. Le PP me semble plutôt néfaste.

Le PP est une règle de vie. Il interdit la recherche et la vie, parce que vivre c’est prendre des risques en permanence et toute vie se termine un jour. J’ai pris des risques, avec précautions; pourtant, aux Kerguelen, j’ai fait une faute de sécurité, heureusement sans incident. En recherche, on ne peut pas connaître à l’avance le risque qu’on prend. Par ailleurs, j’ai développé dans ma profession quelque chose qui était hors la loi, et qui est finalement devenue la règle. Le PP est une connerie.

Le PP est encore une manifestation du droit romain où la forme compte avant tout. Il vient de Bruxelles, a été appliqué à l’environnement pour commencer, puis aux gens. Que fais-je avec ça? Rien. On peut faire des lois sans le PP. On s’imagine qu’on s’occupe des risques qui peuvent survenir. Le PP est inutile. On doit décider sur la situation, comme dans le droit coutumier, pas sur des incertitudes. Le PP n’aurait pas dû nous imposer des masques très tôt. La nécessité de fabriquer soi-même son masque est un scandale. On ne devrait jamais faire l’économie d’une décision difficile.

On a vécu un changement important venu des US dans les années 80, avec un aspect procédurier associé (Caution – wet floor!). Chacun doit faire attention aux risques qu’il encourt. Je suis contre les OGM en pleine nature, mais pas contre la recherche dans ce domaine. En plongée, les libertés ont été régulièrement réduites suites à des accidents antérieurs. En matière de Covid le PP invite à se faire vacciner. La personnalité du président est importante pour l’acceptation du PP.

On se plaint du PP et on le génère en même temps. Toute décision est devenue difficile : risque de réprimande, d’attentat,.. Les procédures de sécurité ne nous ont-elles pas protégés? Je suis en colère contre les mises en garde météo. Je suis allée confiante et détendue à une opération chirurgicale et j’ai été décomposée à la lecture de la feuille que je devais signer. On m’a recommandé de signer sans lire. Lorsque ma fille a dû subir une grosse opération chirurgicale, la décision médicale a été laissée à nous, les parents. Je pense que ça reflète la défiance dans notre société.

J’ai été souvent imprudent dans ma jeunesse. Je pense que les politiques ont voulu réagir contre les dérives du secteur privé: déresponsabilisation, profit, avec par exemple les crises de la vache folle et du sang contaminé. L’existence d’un PP indique que la population vieillit, se sclérose en ne voulant plus prendre de risques. Le PP est aussi lié au transfert de la recherche publique vers le privé. J’apprécie que notre président sache dire ‘je ne sais pas’.

En soi, le PP me semble un gage de vie. Je pense qu’il faut faire attention, mais je ne suis pas d’accord pour qu’un PP soit inscrit dans la loi, car c’est déresponsabilisant: ‘il faut des responsables, mais ça doit être les autres’. On devient prêt à rejeter sa responsabilité individuelle. Je pense que les politiques ont tiré le parapluie et que ça bloque tout, en particulier la dualité plaisir /risque qui me stimule. L’autorisation de construire en zone inondable est un signe de défaut de prise de responsabilité. Je pense que le gouvernement n’a pas trop mal navigué dans la gestion de la crise sanitaire.

Je ne vois pas bien où l’on va. Il faut quand même mettre des barrières à l’innovation, surtout dans le privé. Je pense en particulier au plomb dans les essences et au clonage d’un bébé. On a aussi tendance à appliquer le PP par égoïsme. La liberté est aujourd’hui pratiquée comme de l’égoïsme, et ça ne fait pas avancer.

Dans mes associations, j’ai vu les contraintes au titre du PP augmenter au fil des années. Une fromagère qui a toujours vendu sans problème ses fromages sortis de la glacière, a dû cesser son activité quand elle a eu l’obligation d’utiliser un camion frigorifique, qu’elle ne pouvait pas acheter. Je m’estime à risque vis-à-vis du Covid et je me protège, mais je vois que la protection des corps est délétère pour le mental des seniors et des jeunes et pour le contact avec les personnes en fin de vie. Je pense que les pratiques au titre du PP sont exagérées en la matière.

Ayant été infectée par le COVID, j’ai choisi le protocole à l’hydroxychloroquine, qui a été interdit pour cette affection au titre du PP. Je pense que ce principe a été appliqué à causes des incertitudes et qu’il a empêché la liberté de choix. Je l’ai ressenti comme un refus d’exercice d’un droit. Il y a aussi des précautions non appliquées à cause d’enjeux financiers: les OGM, le sang contaminé.

J’ai été confronté au PP dans mon métier, quand je devais signer des dérogations pour non-conformité technique de produits. C’était un travail difficile d’analyse, de concertation d’équipe et de choix, avec le risque d’assignation en justice. Le PP me semble justifié par des catastrophes planétaires antérieures, le trou d’ozone, la vache folle, le sang contaminé, mais mal appliqué. Exemple: l’interdiction de l’hydroxychloroquine par défaut de certitude. Quel prix pour le confinement sanitaire, les gaz à effet de serre? Je suis gêné dans ma vie, car le cadre est beau, mais l’application défaillante.

Je n’ai pas d’avis sur PP versus la constitution. Les relations ne peuvent plus fonctionner sur la confiance car tout va trop vite, d’où des palliatifs sous forme de formalisation et de décharges en cas d’interventions chirurgicales. J’ai dû choisir moi-même mon traitement post cancer. Il faut qu’on soit informés sur les risques qu’on prend. L’infantilisation par les auto-attestations de besoin de sortir de chez soi me semblent inutiles et sont agaçantes. Et l’infantilisation pousse à la déresponsabilisation.