DUNKERQUE

Comme prévu, la rencontre du groupe APMA de Dunkerque a eu lieu au cours du week-end de fin janvier en Citadelle. Les huit personnes présentes ont pu ainsi s’exprimer sur le thème de « La limite », proposé lors du vote à La Pierre Qui Vire en juillet. L’expression de chacun a été marquée évidemment par les événements tragiques de Charlie Hebdo : peut-on rire de tout, n’y a-t-il pas une limite à l’humour ? Et nos limites qu’elles sont-elles ? : Limites reçues par notre éducation, celles de notre environnement actuel, limites que l’on s’impose ou que l’on transgresse etc. à partir de nos vécus personnels et de notre regard.

Le « tour de table », dont la règle permet à chacun de s’exprimer sans être interrompu, fait, pour beaucoup, dans l’originalité de ce type de rencontre qui s’adresse, rappelons-le, à toute personne quelles que soit ses croyances et ses sensibilités. D’ailleurs il n’est pas fait de compte-rendu, mais seulement une simple transcription de ce que chacun a dit.

LA LIMITE

Dunkerque, 31 janvier 2015

8 participants

- Il y a des limites géographiques, d’un pays, d’une commune, d’une maison, à ne pas envahir. Chacun responsable dans le dire, le respect pour ne pas blesser, dire des vérités capables d’être entendues comme à un malade ; les limites à donner à l’enfant : il attend les limites ; à l’alcool, les limites à l’humeur, surtout quand on blesse ; « Je ne suis pas Charlie » pour ces mêmes raisons, on ne peut pas rire de tout.

- Il faut savoir se donner des limites (en fonction de sa santé), se limiter dans le travail, les déplacements.

- Il y a des gens qui ne savent pas se poser de limites (ex dans le Grand Journal où l’on a parlé de la « bougnoulie », ça m’a choqué.

- Ne pas s’imposer chez quelqu’un, ces petites limites de la vie de tous les jours. Cette dame que l’on connaît qui court pour te rendre service et cela c’est parfait, mais après elle s’impose.

- « Je suis Charlie » mouvement grégaire ? Pas forcément, il y avait des gens qui avaient envie de réagir. Regardons l’exemple de l’imprimerie de Dammartin-en-Goële : dans leurs réflexions à eux ces jeunes allaient vers le sacrifice. Si on les avait pris vivant, quel procès ? Du coup quel avantage tirer de tout cela ? Quelle était la liberté des gens qui luttaient contre ces deux frères.

- Mais aussi quelles limites devant ce vieil oncle qui veut mourir et ne pas retourner à l’hôpital et dont les nièces viennent régulièrement prendre de ses nouvelles : que faut-il faire, le laisser mourir ou l’hospitaliser ?

- Les interdits : on est d’une génération de paquets d’interdits pour l’Église, notamment sur le catalogue des péchés. L’interdit doit toujours s’accompagner d’une explication pour être compris.

- J’ai vécu mai 68 de loin, sans avoir tout compris, mais j’avais des limites éclairées. Comment ne pas imposer de limites ? La limite, il faut pouvoir la transgresser pour pouvoir la vivre bien. Mais ma bonne éducation disait qu’il fallait des limites, comme les limites de la fin de vie, de la santé, on peut se mettre des limites soi-même ; pour l’éducation je mettrais des limites « garde-fou » pour les jeunes. Ces jeunes dans « Charlie » on ne leur a sans doute pas donné de limite.

- La réponse du Pape quand il parle, il est humain, lui il n’a pas la limite imposée de la religion, il a conscience de ces limites.

- Des limites géographiques il y en a partout, terre/mer. Quand on va faire des visites sur les bateaux il y a déjà la coupée, cette limite qui permet de rejoindre les gens : elle monte, il faut faire attention à soi pour ne pas glisser, la main sur les rambardes, faire attention à la personne derrière, car ça remue. Elle me permet de passer de la terre au bateau et l’on est accueilli par le sourire des marins. Cette limite permet de passer d’un monde à l’autre pour la rencontre, c’est un exemple de limite qui amène la vie.

- Et la limite avec les jeunes : il faut mettre des limites avec les enfants. Avec les ados c’est un peu plus surprenant, il y a nécessité de prendre le temps de comprendre ce qu’ils ont envie de faire et donc à un moment c’est possible ou pas possible. Il faut prendre le temps de parler, de s’expliquer.

- Il y a des limites où je me retrouve un peu plus, c’est entre la terre et la mer, car avec les marées, elle bouge tout le temps : ce va et vient de la mer correspond au va et vient de mes limites.

- Le mot limite est-il positif ou négatif ? Il m’enferme dans mes limites plutôt que dans mes potentialités.

- Par rapport à « Charlie » le jour de l’attentat à Paris, il y a eu 37 morts au Yémen et les gens disaient : « Qu’est ce qu’il leur reste, à chercher de la nourriture et leur prophète ? »

- Quelque chose d’indolore aujourd’hui : la recherche scientifique, moyen de lutter contre la faim dans le monde, recherche génétique. Intrinsèquement c’est moins spectaculaire, mais un milliard de personnes meurt de la famine. On interdit la recherche sur le schiste, tout ce qui est autour de la contraception, acte concret issu de travaux qui aboutissent à « la brebis Dolly » vers le contrôle de la stérilité… Que viennent faire les « faucheurs de marguerites » qui démolissent tout ? Il est question de limite de l’essentiel qui traite de la vie et de la mort et on a le devoir de dire et de ne pas dire, ces frontières peuvent-elles être levées ?

- Je ne peux concevoir qu’une conception humaine conduise à un interdit.

- Eh oui « Galilée n’est pas mort ».

 

- Moi j’ai besoin de limites et de garde fou pour apprécier les situations, j’ai besoin de savoir où je vais, besoin de savoir où se situe la loi. Plus que de limites j’ai besoin de repères, de garde fou et de barrières. Nos gamins nous ressortent des choses qu’on leur avait dites longtemps auparavant. On a tous aimé transgresser, aller au-delà. Pour les enfants c’est une manière d’exister. Mais « frôler la mort » c’est une manière d’être reconnu. On est affronté à nos limites, il y a tout un travail pour accepter ces limites. J’ai un principe : se permettre beaucoup de choses à condition de respecter les gens… Je ne suis pas un militant à aller dans les manifestations, je n’aime pas être récupéré.

- Si on ne se pose pas la question du sens à la Mission de la Mer, on devient un mouvement qui perd son âme, on peut vite devenir activistes, on s’enlise, voilà qui limite notre univers quand il n’y a plus de relecture, plus de débat.

- Chez les chrétiens il y a une certaine frilosité, heureusement il y a le Pape François qui pousse en avant avec la limite d’en faire « une star ».

- Pour « Charlie » ce qui m’anime ce sont moins les valeurs républicaines que mes convictions chrétiennes qui prennent leur source dans le religieux, la foi, les béatitudes, les valeurs évangéliques. Dans ma scolarité j’ai été marqué par un humanisme chrétien de Bergson, Mounier. Pour moi je vis la liberté d’expression lorsque dans la LIG on respecte la vie des hommes, on dénonce les injustices. Je n’ai pas hésité à en parler dans mes homélies, en quoi notre comportement est bien fidèle à l’Évangile ? C’est la Parole de Jean Debruynne qui a nourri ma liberté de croire et qui a nourri ma vie spirituelle.

- Lors d’une réunion avec des personnes âgées d’un mouvement chrétien, j’ai ressenti en eux une peur, une insécurité, incapables de partager le bonheur qui se faisait sentir dans le sursaut des manifestations parisiennes. Mais aussi faut-il se poser la question, la liberté d’expression permet-elle le blasphème ?

- Et la pudeur ? Que devient un monde où il n’y a plus de pudeur, plus de distance, de recul, un monde « qui va à vau l’eau » ? On peut vite devenir une marionnette, on n’est pas des clonés. L’humour et la satire autorisent-elles tout ? Qu’est ce qui différencie l’homme de l’animal ? Que met-on derrière la pudeur ?

- La limite me fait aussi penser à un projet éducatif en montagne : comme la mer il est question de nature, de maîtrise des éléments, de nos compétences, de débrouillardise, d’adaptation, jusqu’où je peux aller, repousser mes limites. Éduquer aujourd’hui, c’est permettre à quelqu’un de prendre conscience de ses limites pour pouvoir s’adapter au réel. Mais il y a aussi le « jouer avec les défendus »… Alors qu’est ce qu’un interdit ? On retrouve cela dans le Jardin d’Eden dans la Genèse.