ACCUEILLIR ET PARTAGER
Introduction
Jean-Michel
Lorsque le thème « accueillir et partager » a été choisi, nous nous sommes immédiatement proposés pour témoigner. En effet, l’accueil et le partage sont les éléments clé de notre vie quotidienne.
Nous allons essayer de faire un témoignage à deux voix.
Tout d’abord, nous allons un peu nous situer, personnellement et en couple, dans l’optique du thème, et vous dire quels types d’accueil nous pratiquons. Ensuite, nous vous dirons, chacun, ce que nous vivons, autour des mots « accueillir » et « partager ».
Notre histoire personnelle
Odile
Je suis, à l’origine, une personne qui n’a jamais eu d’amies, car j’avais honte de faire venir quelqu’un chez mes parents. (La maison était sale, non rangée, et non accueillante)
Quand je me suis mariée, j’ai commencé à avoir des relations amicales avec les parents des copains de mes enfants, et là j’ai découvert comment il était possible d’avoir des échanges, d’accueillir quelqu’un chez moi, pour un après-midi, un goûter, un repas…
Cet aspect de la relation chez moi, est devenu un besoin. J’ai rapidement fait partie d’un réseau d’accueil, auprès de la maison de la culture de ma ville, et dès lors, j’ai commencé à rencontrer des gens de tous pays : acteurs, chanteurs, danseurs, etc… J’avais la chance d’avoir une grande maison, et une chambre d’amis.
Après mon divorce, j’ai poursuivi ce type d’accueil en rendant service, que ce soit pour des jeunes ou à l’occasion d’un festival, pour les acteurs.
Cet accueil était très positif pour moi, généreux, mais sans aucun retour de relations. Quelque part, un vide restait derrière le départ des personnes, les rencontres étaient peu fertiles.
Je me sentais « lieu de passage ».
Jean-Michel
Pour ma part, je suis « tombé dans la marmite quand j’étais petit ». En effet, la maison de mes parents a toujours été ouverte, particulièrement aux plus démunis. Avec Anne-Marie, nous avions à coeur de garder la maison ouverte à tous. Il nous est arrivé, en rentrant à la maison, de trouver le repas prêt, la table dressée, le feu allumé et les amis qui nous attendaient…
Notre fécondité de couple
Odile
Lors de notre préparation au mariage, avec Jean-Michel, nous avons perçu que notre fécondité de couple passerait par l’ouverture de notre maison, par l’accueil. Il nous fallait découvrir où, comment, avec qui….
Ce que nous avions discerné, c’était que l’accueil devait permettre repos, ressourcement, dialogue, écoute, accompagnement.
Nous avons cherché les organismes qui pouvaient avoir besoin de nos disponibilités dans ce sens, mais étions toujours en attente.
Les types d’accueil
AIDES
Jean-Michel
Une réponse nous a été offerte, un jour où, au bureau de poste de notre village, j’ai vu une affiche qui portait les mots-clés de notre fécondité : « accueillir, écouter, accompagner, permettre le ressourcement ». Il s’agissait de l’association AIDES qui recherchait des familles d’accueil. Nous nous sommes renseignés, présentés, et ainsi, nous sommes entrés dans le dispositif. Nous avons découvert le SIDA, le virus, les porteurs du virus et leurs difficultés. Nous sommes toujours famille d’accueil, offrons un temps de recul et de repos à des personnes malades, souvent en difficultés sociales, relationnelles et professionnelles.
Un des aspects de notre mission d’accueil trouvait ainsi son chemin.
SERVAS
Odile
Un soir, en rentrant à la maison, j’écoute une interview à la radio, et me rend compte que l’association dont il est question présente une activité d’accueil et d’échange qui correspond à ce que nous souhaitons partager. Dès que j’arrive, j’en parle avec Jean-Michel, nous nous renseignons, et faisons notre demande d’adhésion. C’est SERVAS, une association internationale d’échange et d’accueil pour le développement de la paix.
Nous avons senti que notre soif d’échange trouverait une part de sa source dans ce type de relation.
Nous faisons toujours partie de ce mouvement, et avons accepté des responsabilités pour son développement et son fonctionnement.
Servir la paix, l’amitié, rester à la disposition des personnes qui souhaitent rencontrer notre région, notre pays, notre culture est un moteur fort dans ma vie, je ne fais aucun effort pour y être disponible.
Jean-Michel
La famille
Bien évidemment, les premiers bénéficiaires de l’accueil et du partage sont nos enfants et petits-enfants. En particulier, les mois d’été leur sont réservés. Nous sommes ainsi des grands-parents « vacance », pour notre plus grand bonheur.
Voisins – nouveaux arrivants au village
Nous sommes aussi très attentifs à rester ouverts à nos voisins, et tout particulièrement à accueillir, autour d’un repas, les nouveaux arrivants au village, qui sont relativement nombreux.
Notre vie, avec nos voisins, est une vie d’échanges, de services, d’accueil. Dans le village, si vous ne trouvez pas la rue Mage, demandez Odile, tout le monde vous indiquera la maison.
Accueillir
Odile
Accueillir est une ouverture que j’ai en moi, qui laisse de la place à l’autre. J’aime que ma porte soit ouverte, que quiconque qui passe puisse la pousser, entrer. Je me rends, je me sais disponible à l’autre, je prends le temps de l’écoute et de l’accompagnement, je sais donner à l’autre une place chez moi, le mettre à l’aise, lui permettre de passer un temps calme, paisible, reposant. Je me sens comme un maillon d’écoute et de ressourcement, permettant un nouveau départ. Les personnes qui viennent chez nous savent la durée de leur séjour. Cette limite organise la richesse du séjour.
48 h ne laissent pas de temps au bavardage sur la pluie et le beau temps… Les échanges sont rapides, denses, profonds ; 15 jours permettent de revenir sur des situations qui nécessitent accompagnements, prises de recul, maturation.1 mois donne le temps de voir venir, et la vigilance est importante, car il ne faut pas passer « à côté » du but du séjour.
Je me sens à ma place dans ma maison, laissant la possibilité d’une relation d’écoute, de partage des tâches ménagères et de jardinage, de la cuisine, de la couture, du bricolage et des promenades.
Ma limite dans l’accueil, je l’ai expérimentée. C’est une limite médicale. Je ne suis pas en mesure d’accompagner des personnes qui vivent des disfonctionnements psychiatriques graves, et chaque fois que cela est arrivé, nous avons dû mettre fin à l’accueil. Je n’ai pas la formation pour les accueillir et les aider, et les garder à la maison me mettrait moi-même en péril. Je sens ma fragilité et je l’assume clairement en disant que je ne suis pas capable d’aller plus avant dans l’accueil. Quand j’accueille une personne, je me rends compte, aujourd’hui, que je ne fais rien de spécial pour elle. Je suis ce que je suis, disponible, et ouverte à l’imprévu qu’elle m’offre. Des limites peuvent être énoncées, pour le bon fonctionnement de la maison, (heures des repas, etc..) mais chacun trouve sa place, son mode de participation. Je retire beaucoup de vie, d’élan, d’énergie dans le passage de personnes chez moi. Elles donnent sens à ma vie. Elles m’ouvrent à des dimensions que je ne connais pas, me permettent de progresser, nourrissent mes lectures quotidiennes, les informations vers lesquelles je vais me tourner.
Accueillir n’est pas une seconde nature, c’est ma nature même.
Jean-Michel
Accueillir, être accueilli, est-ce si différent ? Être accueillant, être « accueillable », est-ce si différent ? Dans notre langue, l’hôte est aussi bien celui qui accueille que celui qui est accueilli. Je pense au passage de la
Genèse qu’on appelle « l’hospitalité d’Abraham », aux chênes de Membré (très bien illustré par Rembrandt). Dans cet épisode, qui est l’accueillant, qui est l’accueilli ? Chaque relation d’accueil est un pari, une prise de risque : je prends le risque de t’introduire dans mon espace (au sens large) ; tu prends le risque de vivre dans mon espace ; nous allons donc partager, pour un temps, le même espace… Pour moi, il s’agit d’abord d’ouverture à l’autre, dans lequel je reconnais le Tout Autre.
Alors, bien sûr, il s’agit d’abord d’accueillir des personnes. Mais il s’agit aussi d’accueillir des situations, des cultures, des modes de vie ou de pensée parfois très éloignés des miens. Nous avons eu la chance de côtoyer de nombreuses personnes venant d’Afrique noire. Autres cultures… Mais, quand nous accueillons des personnes qui font usage de certains produits « illicites », ou qui ont une vie sexuelle très différente de la nôtre, là aussi nous expérimentons une différence de culture. À travers cela, c’est aussi moi-même que j’accueille, avec mes possibilités et mes impossibilités, mes ouvertures et mes fermetures…
J’attache également beaucoup d’importance à l’accueil des événements. La disponibilité à l’inattendu est, pour moi, une grande source de bonheur. J’apprends, de plus en plus, à accueillir ces événements, quels qu’ils soient, comme des cadeaux, et, souvent, des signes. Attention ! Il ne s’agit pas, pour moi, de me laisser ballotter comme un bouchon sur l’océan, mais d’intégrer, dans ma pensée, dans mon cheminement, dans mes choix, les réalités qui me sont données.
Partager
Odile
Est-ce que j’attends quelque chose des personnes qui viennent à la maison ? Je crois, aujourd’hui, que je n’attends rien de l’autre. Celui qui vient, vient avec ce qu’il est, son propre besoin. Nous nous ajustons l’un à l’autre au fil des jours. Je sens que j’apprécie beaucoup la sincérité des relations qui se créent lors des rencontres, que je suis nourrie par les échanges. Je n’attends pas que l’autre me donne quelque chose, j’attends qu’il se dise simplement. Je suis d’une nature à partager spontanément ce que j’ai.
Mon exemple aujourd’hui, passe par le jardin :
La 1ère année que j’ai fait le jardin, les « anciens du village » ont regardé la femme venue d’ailleurs cultiver son terrain. Les années ont passé, ils sont venus me conseiller, puis me demander des conseils. Aujourd’hui, nous échangeons semences, semis et plants à repiquer… Maintenant, je mets mes surplus de plants à l’épicerie, et les personnes qui le souhaitent se servent…
Je suis faite pour une vie de proximité, de petits services, et je suis heureuse que l’un ou l’autre vienne me demander quelque chose, mais suis encore plus heureuse quand ils passent pour m’offrir, à leur tour, le fruit de leurs efforts au jardin. La salade, d’un seul coup, n’a pas le même goût que d’habitude.
Tout cela dit que la vie n’est pas seulement une affaire de besoins matériels, mais avant tout une affaire de convivialité, d’échanges non comptabilisés, de partages d’objets, d’outils, de temps.
Donner paraît toujours facile, mais je mesure combien recevoir l’est beaucoup moins, et pourtant plus important. Devenir ouverte à ce que l’autre m’offre est un chemin d’humilité difficile.
J’ai appris, en entrant sur ce chemin, que le OUI qui reçoit est plus fort que le OUI qui donne. Il y a une étape que je dirais d’apparente infériorité à passer. Mon amour propre peut donner…il n’a pas besoin de recevoir… Mais non, si je veux être pleinement à ma place de « donneur », je dois d’abord être à ma place de « receveur ». Je ne peux donner et partager que ce que j’ai reçu, et je dois devenir consciente des dons que je reçois, consciente des richesses qui me sont offertes, avant de les faire miens, puis de devenir apte à les partager. Ce chemin, je l’emprunte chaque jour, et je me rends compte que chaque jour est une nouvelle et difficile étape.
Je suis, entre autres, un maillon d’une chaîne de récupération d’aliments en limite de vente. Je me suis longtemps sentie comme la bonne fortunée qui généreusement partage avec des familles dans le besoin… mais aujourd’hui, je sais que je suis comme chacun, redevable de la générosité d’un directeur de magasin, heureuse de vivre avec les dons que je reçois, et heureuse d’en recevoir tant que je peux partager avec d’autres, qui comme moi, sont heureux de recevoir de la nourriture gratuitement. Je suis comme tout le monde, et n’ai rien à apprendre à qui que ce soit.
Je ne me sens propriétaire de rien, seulement élément transmetteur de quelques savoirs et expériences, élément gérant de biens à transmettre, et à transmettre dans le meilleur état possible.
Voilà, pour moi, le sens, du partage.
Jean-Michel
Qu’est-ce que j’ai à partager ?
Des biens ? Sans doute, un peu. En tout cas pour ceux qui sont à ma disposition et dont je me sens gestionnaire. Par exemple, j’aime prêter mes outils. Mais je sais aussi emprunter ceux dont j’ai besoin. Jean Volot m’a appris le partage de l’argent, le jour où, alors que nous étions en grande difficulté financière avec Anne-Marie, il nous a envoyé de l’argent en nous disant : c’est un prêt, mais je ne veux pas que vous me le remboursiez ; vous ferez la même chose, un jour, avec quelqu’un qui en aura besoin ; ce que j’ai fait, et que nous continuons de faire. De cette manière, l’argent circule, et reste un bon serviteur. Tout ce que nous récoltons dans notre jardin est aussi objet de partage, et, devant la maison, une affiche indique : « nourriture à partager » ; chacun peut cueillir directement ce dont il a besoin.
J’ai aussi certains savoirs et savoir-faire que j’aime partager. Par exemple, je fais de la menuiserie pour mon voisin, et il vient faire les chapes ou poser le carrelage chez nous. Ma compétence dans le domaine de la bureautique est aussi souvent mise à contribution.
Mais le plus important, pour moi, c’est le partage des idées, du vécu, de la vie ; ce partage est beaucoup favorisé par l’accueil, mais aussi par des lieux tels que l’APMA (et il y en a bien d’autres).
Au final, j’aimerais partager qui je suis, en Vérité… bel objectif, tellement difficile à atteindre !
Conclusion
Odile
Lorsqu’elle sera terminée, notre maison aura six chambres, associées aux six continents. Europe est notre chambre. Océanie et Antarctique sont totalement terminées. Afrique et Amérique sont pleinement utilisables. Asie reste à construire…
L’accueil et le partage sont, pour nous, nos principaux moteurs, sources principales de notre bonheur. Alors, si vous souhaitez nous rendre heureux, venez en profiter… La porte est grande ouverte !
Odile et Jean-Michel Lévêque
Extraits de notre livre d’or
Jean-Michel
Et pour finir, nous vous proposons quelques extraits de notre livre d’or.
« Vous avez fait beaucoup plus que ce que prévoyait votre mission : vous m’avez rendu le sourire !... Fort de vos conseils, et de votre amitié, je choisis la vie !! »
Ludovic (Sénégal) – 10/09/03
« Une chaleur radieuse… m’a envahi lors de mon séjour dans votre maison de Paix. »
Michel – 12/07/2004
« Le calme, les promenades dans la campagne environnante et les repas, simples mais succulents, m’auront permis de faire un peu le point sur ce que je suis et me permettront sans doute d’appréhender les jours à venir avec une autre vision. »
Dominique – 02/11/2004
« It is very good to realise that there are so friendly people on the world. »
Marianne (Pays-Bas) – 25/05/2005
« We go back refreshed both in mind and spirit and ready to face our new future in France because of the encouraging words we have heard from you. Living with our condition will always be hard, but with kind-hearted people like you, the battle is made easiest. »
Charity & Lavhelesani (Zimbabwé) – 28/07/2006
« La joie qui inonde mon coeur est tellement grande que le simple geste africain bantu de battement rythmique et révérenciel de deux mains serait plus éloquent que tout… Les bras ouverts, vous m’avez accueilli en m’ouvrant les portes de votre maison, en me créant un espace de vie et de détente dans votre "coeur", tel un fils. »
Kalenda (Congo) – 20/08/2006
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« Your warm and open home reflects your warm and open hearts… The world needs more hearts such as yours. Continue to be the change the planet needs so much. »
Justine & Phil (Nouvelle Zélande) – 06-10-2007
« Moi qui suis arrivé chez vous alors que je ne faisais qu’un repas par jour "sandwich" je repars avec un équilibre alimentaire très sain, et comme dit la maîtresse de maison, "la cuisine au quotidien c’est trois fois rien". »
Jean-Stéphane – 06/11/2007
« Vous m’avez nourrir mon âme qui soif et très faim de l’amour et de la paix. »
Rahmawati Gani (Indonésie) – 11/03/2008
« Je suis venu passer 15 jours chez eux pour me ressourcer et retrouver quelques repère. Je repartirai gonflé de bonnes intentions pour l’année à venir. »
Jean-Louis – 10/04/2008
« I feel your house is really BETH-SALEM and SHALOM, and this is so precious and wonderful. I know I have an important lesson for my life here at your place. Hospitality is a food for the soul and you demonstrate fully this. »
Hadar & Nachum (Israël) – 12/01/2009
« Ah bon, en-dehors de moi, vous avez un emploi du temps ? Des activités ? C’est drôle, j’avais l’impression que tout était pour moi, autour de moi… Merci d’être ce que vous êtes, d’être, de vivre et de partager ce que vous croyez profondément et que vous reflétez si bien. »
Nadine – 06/05-2009
« Je me suis trouvée si bienvenue et confortable dans votre maison. Vous êtes les chefs de l’hospitalité. »
Jane (USA) – 09/08/2009
« Judy and I will always remember our visit to your beautiful and peaceful house Beth-Salem. You made us feel so welcome and provided us with every possible comfort and have been so generous in so many ways it is hard to find words adequate to express our gratitude ! »
Michael & Judy (Australie) – 18/10/2010
« Your philosophy of life is beautiful and dearly you are both involved in making the personal changes you wish for the whole world and for the planet. It is contagious! »
Sudia Ploma & Craig (USA) – 15/04/2011
« "Diverses voix font de douces notes"… en Paradis… C’est ici, maintenant, dans quelque rare endroit comme chez vous, Odile et Jean-Michel, qui mérite vraiment le nom "Beth-Salem", ou on peut entendre "la douce harmonie" de Schubert, de Mozart et de l’Amour… Ce qui vous rend spéciaux est votre grande, sincère ouverture mentale et spirituelle. »
Maria (Italie) – 15/08/2011
« I feel humbled by your warmth, good humor and your work for AIDS people. You create an oasis of peace allowing people to do as they wish… This stay has been a highlight of my 3 month visit to Europe. »
Jill (Nouvelle Zélande) – 09/10/2011
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