EN QUOI NOS ENFANTS NOUS FONT-ILS ÉVOLUER,

DE GRÉ OU DE FORCE ?

Grenoble. 5 février 2004.

-Les enfants ne m’ont pas fait évoluer. Ce sont les amis, la profession, les associations qui ont joué ce rôle.

-Moi non plus, les enfants ne m’ont pas fait évoluer. Le rapport parents/enfants n’est pas à sens unique. Il s’agit plutôt d’un accompagnement. Je n’avais pas de principes, j’ai accepté leurs choix, je les ai accompagnés.

-Les enfants sont nés, nous avions des projets sur eux… Puis au fur et à mesure, on a dû évoluer. Pour moi, qui viens d’une autre culture, j’ai dû m’adapter et devenir plus tolérante. Je garde quelques principes et dis quand je ne suis pas d’accord ; les enfants acceptent ou non.

Les petits-enfants m’invitent à jouer avec eux, même au ballon, et m’obligent à rester dynamique.

C’est aussi l’ensemble de la société qui me fait évoluer.

-Les enfants ne m’ont pas fait évoluer. C’est le « questionnement » qui me fait évoluer ; les enfants ont cependant joué quelquefois ce rôle en me remettant en cause. Mes enfants me prolongent, et c’est plutôt moi qui leur ai apporté (musique, réflexion…). On leur a laissé beaucoup de liberté à l’adolescence. A 18/20 ans, ils sont partis. S’ils étaient encore là, ils pourraient me faire évoluer.

On est plutôt un refuge pour ceux qui ont des problèmes et un accompagnement pour tous.

-Mes enfants m’ont obligé à évoluer. Leurs choix de vie étaient loin de ceux que l’on envisageait pour eux. Ils sont partis tôt pour créer des couples, choix heureux pour eux. Chacun est chez soi, mais on a toujours cherché à avoir un accompagnement. C’est aussi un grand bonheur de se recevoir.

Leur vie à 18 ans et la mienne au même âge sont à des années lumières.

-On n’est pas tout-puissants avec nos enfants, ainsi nous ont accablés certains problèmes de santé récalcitrants. Nos enfants nous apprennent la modestie, obligent à relativiser. D’avoir vécu les écoles et le quartier Villeneuve m’a décapée. J’y ai découvert d’autres styles de vie, un autre rapport au travail…

Les copains de mes enfants m’ont fait découvrir d’autres mondes, d’autres musiques, et aussi la contestation ou le refus de la foi. Nous allions à la messe avec les 4 enfants ; maintenant j’y vais parfois seule. Je l’accepte, me disant que cette démarche est importante pour moi, pas pour eux…

-Autrefois c’était les parents qui transmettaient, maintenant on se pose la question de savoir en quoi nos enfants nous font évoluer. Ceci est peut-être dû en grande partie à la scolarisation des enfants et à l’évolution rapide des outils multimédias et autres, dont l’introduction dans la société se fait surtout par l’intermédiaire des jeunes. Et la chute des grands principes en 1968…

Ainsi on a dû beaucoup évoluer par rapport au modèle reçu de nos parents sur le mariage (fiançailles, puis mariage inaugurant la vie commune). Et le modèle nouveau n’est pas encore arrivé ! On reçoit les amis de nos enfants à la maison, dès qu’il a un lien sérieux. Une certaine vie commune commence, les jeunes étant encore étudiants et demeurant chacun dans leur famille. Dès que ce sera possible économiquement, ils prendront leur indépendance et feront l’expérience de la vie commune.

Quand et comment sera signifié un engagement l’un vis-à-vis de l’autre et de la société, cela reste à inventer ! Quelle place aura la foi chrétienne, la question est ouverte entre eux. On maintient le dialogue ouvert …

-Que serai-je devenu sans enfants ! Avec eux, j’ai appris la modestie et accepté leurs choix, les boulots qui les intéressent. Ils me secouent parfois, même physiquement. Le dernier choix de Clément a été le plus surprenant.