Dans notre vie, est-ce qu’on se pose la question de l’Essentiel ? À quelle occasion ?
Grenoble. 8 janvier 2004
-La question de l’essentiel, je ne me la suis posée qu’après le retraite. Avant, l’essentiel pour moi était évident : famille, profession, citoyenneté. A partir de 65 ans, j’ai eu moins d’énergie active et plus de temps pour réfléchir et méditer.
Actuellement, cette référence à l’essentiel m’aide à éliminer le stress, une certaine angoisse face aux engagements de la vie associative, et me conduit à privilégier deux choses :
La valorisation des dons reçus, dons intérieurs comme la musique et certaines capacités intellectuelles, et dons reçus des autres : amour conjugal, enfants, communauté de vie.
Avoir une activité créatrice, conforme à mes aspirations profondes, la choisir et la mener en relation avec Dieu et en ouverture aux autres. La relation à Dieu, c’est avoir le sens de remplir une mission, et de prendre des temps de silence pour l’écoute intérieure et l’inspiration.L’ouverture aux autres doit couler de source, car toute activité réellement créatrice doit porter du fruit.
-Dans la gestion des choses de la vie courante, je suis amenée à faire des choix, à décider de ce qui est le plus important, en privilégiant la relation, qui est, pour moi, l’essentiel.
-Répondre aux sollicitations a été ma devise, et l’image donnée à mon entourage. J’allais même au-devant des sollicitations ; elles ne me pesaient pas. Maintenant, je me sens fatiguée, et je tricote devant la télé !
-Je vais bientôt prendre ma retraite et disposer de temps. Je vais donc chercher à ne pas le gaspiller en rendant service dans ce que je sais faire.
J’ai eu une expérience de l’essentiel en faisant les choix des choses à emporter dans ma mission aux Kerguelen : l’essentiel en 20 kg !
Dans ma vie, l’essentiel c’est l’honnêteté : être un “honnête homme”, dans tous les domaines, professionnel, moral etc...
-L’essentiel, c’est de vivre. Cette vie qui prend tout son prix après les souffrances de la famine et de la guerre. J’ai appris beaucoup avec les jeunes : accepter la vie comme un don, vivre avec l’espérance, vivre à son rythme, sans hésiter à faire sa place au jeu.
-L’attention aux gens, l’écoute des gens simples, des étrangers du voisinage, me paraît essentiel. J’ai accueilli les vœux de nouvel an de mes collègues de travail, comme des points de repères, des confidences. Chercher à comprendre l’univers, dans une alliance entre la science et la foi qui ne m’ont jamais paru antinomiques.
Le couple conduit aussi à l’essentiel, même si ce n’est pas évident. Et c’est intéressant de découvrir les autres couples, comme un flash sur la diversité des situations.
Un essentiel qui m’est plus personnel est d’avoir mes affaires en ordre.
-Je trouve l’essentiel dans l’harmonie, que les gens soient heureux. J’essaie donc de tout faire pour que ça aille bien, dans la vie de famille comme dans les associations et les collectivités.
Il est important de trouver un sens à sa vie, de ne pas désespérer dans les épreuves, de savoir qu’il y a une marche positive de l’humanité. Toutes les avancées dans l’harmonie du monde sont de l’essentiel.
-Je n’ai pas eu à me poser la question de l’essentiel dans ma vie professionnelle. A la retraite, j’ai continué sur la même ligne en faisant davantage de sport et en consacrant plus de temps à la Maison familiale de Chamonix que nous gérons en association. Cette maison est maintenant vendue et mes problèmes de santé m’amènent à diminuer mon activité physique. Il me paraît important de continuer d’être utile aux autres. Mais j’ai peine à trouver un nouvel équilibre, une nouvelle activité qui corresponde à une vraie motivation.
-Dans mon expérience du “goum” où il fallait tenir une semaine en randonnée dans les Causses avec le minimum, je me suis rendu compte qu’en éliminant le superflu on vit très bien, et on se sent libéré. Au travail, j’aime vivre dans l’urgence, résoudre des problèmes à court terme, en trouvant l’essentiel. L’échec ou les crises conduisent à l’essentiel, c’est vrai pour l’éducation des enfants, comme lors du décès brutal d’une personne proche.
Face à ces questions essentielles, on voudrait avoir une réponse immédiate, alors qu’elles sont prises dans un mouvement nécessitant construction et relecture.
-Je me suis toujours posée la question de l’essentiel; que faire de ma vie a été mon souci d’enfance et de jeunesse. La relation avec les autres est devenue mon essentiel. La relation à Dieu aussi, pour comprendre quelle est ma mission. Je me sens appelée à manifester dans le monde qu’il y a quelque chose d’important. Pour cela, il me faut comprendre l’attente de chacun, et faire alors un bout de chemin avec lui. C’est surtout vrai avec les enfants, afin de les aider à trouver leur essentiel.
Face à la mort, faire le choix de la vie, et vivre dans la paix et la joie.
-La relation est importante, mais il faut qu’elle soit vraie, profonde. Les gens sont trop lisses. J’essaie de trouver la faille pour atteindre l’humain. J’ai du mal à dire “non”, c’est pas facile. Il faudrait dire “oui” parce qu’on a choisi. La solidarité collective me paraît essentielle pour résoudre les problèmes, dépasser la réponse strictement individuelle.
-L’essentiel surgit dans les choix et dans les périodes de crise. J’en ai l’expérience dans la gestion des relations en entreprise. Sortir de la spirale des compétitions pour construire des relations.
Pour cela il faut rester attaché à ses valeurs personnelles, laisser de côté les compétitions mercantiles. On peut se réaliser autrement qu’à travers un objectif de promotion professionnelle.
Etre en paix avec soi-même et réconcilié avec les autres permet d’apaiser les conflits dans les familles.
A l’enterrement de la fille de trente ans handicapée qui s’était suicidée, l’essentiel fut d’aider les parents à trouver leur paix dans le sentiment d’avoir eux-mêmes fait l’essentiel.