Chacun parle de ce qui lui tient à cœur.
Landévennec. 27 et 28 mars 2004
12 participants dont le coordinateur national.
Des nouvelles des absents : Marie-Thérèse et François, Madeleine et René, les deux couples touchés par la maladie, nous ne les oublions pas spécialement durant l’Eucharistie.
Le thème de l’EAU a été traité par la Bretagne Nord, du coup aidé de quelques suggestions de Léon, certains ont choisi d’autres thèmes : Ce que la génération de nos enfants nous apprend, nous ont-ils fait évoluer ? Les événements qui nous ont frappé, l’affaire Dutroux, les derniers événements en Espagne. L’eau problème mondial, aussi symbolique du baptême. Suis-je libre ou conditionné ? Dans notre vie se pose-t-on la question de l’essentiel ? L’héroïsme des actes religieux : dans le Christianisme, dans l’Islam ?
- Je suis plus libre que dans ma jeunesse. J’ai souffert beaucoup de l’autorité parentale : le poids sans cesse répété de ce qu’il faut faire, ne pas faire. D’une manière ou d’une autre on arrivait toujours à faire comme disaient les parents. Souvenir des week-ends en famille synonymes de corvée (repas chez les oncles et tantes, on rechignait, mais on y allait).
Dans le domaine de l’Eglise, on ne savait pas dire non, on passait le dimanche à l’Eglise. On nous parlait uniquement des barrières à ne pas franchir.
La liberté doit connaître certaines limites, mais c’est « l’un des mots les plus hypocrites », dit l’abbé Pierre. Même dans le couple, un accord est nécessaire : la liberté doit être à la base d’une bonne entente. On est conditionné par des lois à respecter, sinon c’est l’anarchie. Ai-je gagné en liberté ? Oui. Il y a des couples que l’on ne voit qu’ensemble et qui trouvent étrange que l’on puisse sortir séparément. C’est aberrant de vouloir tout faire ensemble, mais il y a une attention à porter dans la vie quotidienne.
- Etre libre : le désir de pouvoir vivre en accord avec ce que je pense. C’est vivre dans des conditions acceptées, voulues, parfois réfléchies ; je n’ai pas le droit de naître dans telle famille, dans tel pays, etc. ces facteurs m’ont façonné. C’est dans cet espace que je trouve ma liberté. J’ai appris à ne pas braquer un regard « flèche » sur ce qui me manque – je ne comprends pas tout – mais un regard « coupe », ce qui me permet de voir bien des fenêtres et des espaces à prospecter qui peuvent remplir ma vie : l’Amour est à mettre au monde partout… il n’y a pas que des enfants à mettre au monde. Au nom du « devoir » défini par la société et l’Eglise, l’éducation n’etait pas très orientée dans mon enfance vers l’épanouissement mais en même temps elle me donnait les clés pour en sortir par une réflexion sur l’Evangile puis sur la maternité. L’A.C.G.F. m’a donné cette attitude du « oser dire ». Puis il y a tout ce qui permet de prendre de la distance, qui calme les neurones et la sensibilité peinée, déçue, rancunière. C'est beaucoup la danse qui me procure une santé globale (physique et psychique) en plus s’ajoutent les ballades, la méditation et des rencontres parfois imprévisibles, enthousiasmantes. Une devise m’a depuis longtemps guidée ». Deviens ce que tu es et non pas ce que les autres veulent que tu sois ».
- Quand j’en prends conscience, je suis effrayée par mes conditionnements. Je ne m’en suis pas rendu compte tout de suite. La famille de mon mari m’a fait découvrir une liberté que je ne connaissais pas. Il a fallu trop de temps et j’ai dû conditionner mes enfants avec référence aux interdits. J’ai évolué grâce à des lectures, des rencontres. Ce qui est passé est passé : on ne « réembobine » pas sa vie. Il faut en tirer le positif, tout conditionnement n’est pas forcément négatif. Je me suis posé bien des questions. J’ai découvert que les enfants devaient quitter la maison en sachant poser des actes et non pas agir en fonction des parents. C’est aux parents de leur donner la possibilité d’être soi-même. Les lois donnent une certaine liberté ; des gens sans loi se trouvent « emprisonnés ». Découvrir ses conditionnements est la voie de la vraie liberté, qui a ses limites. Il faut être vigilant pour ne pas retomber dans des travers que l’on avait.
- On se sait conditionné quand on « part »… à partir du moment où l’on prend conscience, on peut se libérer.
Je sors d’une formation pleine d’interdits. On avait bien plus conscience de ce qu’il ne fallait pas faire dans un Christianisme marqué par la négligence du corps. Le plaisir est toujours entaché de péché (à table comme au lit). L’esprit rapprochait de Dieu tandis que le corps tirait vers le péché (autant au collège qu’en famille). Le risque c’est lorsque les gens essaient de s’en libérer c’est l’outrance et le rejet en bloc.
Quelques étapes m’ont marqué : encore à 20 ans, je réprimais abusivement ma nature, mes envies, j’ai eu un 1er déclic lors d’un stage de BAFA, en dehors du système habituel j’ai plongé dans un scénario sur les Gaulois, ce qui a révélé ma nature « mortifiée » au formateur qui m’a dit : « tu es constamment en train de te maîtriser, arrête de te brider comme ça, fais le bilan de ce qui peut te permettre de donner du bonheur, du partage… ».
Il y a aussi des conditionnements positifs. Alors que nous avons l’habitude d’une table ouverte assez souvent, la réflexion d’un de mes enfants : « alors, aujourd’hui on n’invite personne ? » m’a fait découvrir un conditionnement de l’enfance où je vivais dans un restaurant de campagne et, le bar n’étant pas chauffé l’hiver, les clients habitués venaient consommer à la cuisine, au chaud. Nous avons grandi au milieu des clients devenus des amis, et plus disponibles que nos parents à ces heures-là. Je ne savais pas ce qu’etait le cercle familial restreint. D’où sans doute ce plaisir à recevoir, qui a marqué nos enfants. La vie nous a marqués, mais la liberté de nous prendre en main reste grande. Nos conditionnements du départ n’empêchent pas d’évoluer comme on aime de le faire.
- Suis-je conditionnée ? Je me suis rappelé mon milieu familial (ouvrier, 3 enfants). L’envie de sortir de cette condition me fait bosser – aller à la fac – bonne élève je ressens comme une victoire : pour réussir il ne fallait pas être ouvrier. On ne recevait personne ; on s’embêtait le dimanche. Même si je garde un souvenir d’amour et de tendresse de mon enfance. La vie donne des leçons qui m’ont permis de mesurer la richesse de ce que j’ai vécu et aussi de grandir. J’en suis sortie très forte. Quand on a regardé le positif de certains conditionnements, on s’aperçoit de leur richesse. Mon milieu etait croyant, pratiquait la foi du charbonnier. Je vois la richesse de leur candeur alors que je regrettais qu'ils n'aient pas la facilité de dire leur Foi.
J’ai eu difficulté à d’accepter la scolarité difficile de mon fils, jusqu’au jour où il a voulu aller au B.E.P. cuisine. Dès qu’il n’a plus été en situation d’échec, tout est rentré dans l’ordre après des passages risqués où mon mari a assumé mieux que moi et m’a aidée.
On se fait rattraper par les choses ! Pourquoi vouloir trop à la place des enfants ?
- La réunion de Bretagne Sud nous a manqué ; avant tout j’ai pensé « eau du baptême » (survenu le lendemain de ma naissance comme une forme de conditionnement) Il n’en est pas question pour ma petite fille. L’eau c’est la vie : on a appris à ne pas la gaspiller, mais pour nos petits enfants c’est différent ; ils pensent à l’eau comme plaisir, baignade sans contrainte.
Pour moi, l’eau c’est important puisque femme de marin. J’ai passé du temps en voyage à regarder la mer. C’est reposant et permet de réfléchir sur un tas de choses.
L’eau est aussi pour moi un élément important : son importance sur la terre, plus d’eau que de terre. Sans eau pas de vie, pas d’activités. En Afrique, il y a une conscience de l’eau à cause d’un approvisionnement difficile (condition de la femme). Au côté positif de l’eau il y a l’aspect négatif : crues, inondations… Cela porte à réfléchir sur cette condition des hommes liées à l’eau : pollution et gestion de la terre. Importance de la protection de l’eau. Source de richesses, d’échanges entre les hommes, les pays. Les marins y gagnent leur vie. Au point de vue religieux : valeur symbolique dans toute la Bible, dès la Genèse. A Lourdes un parcours de 9 fontaines avec des symboles à réfléchir.
- L’eau est un symbole du baptême. Etre « lavé » de son péché c’est super. Orgueil, méchanceté, jalousie, etc. sont à reconnaître chaque jour pour se trouver dans une demande de pardon, être comme un arbre planté au bord du ruisseau. L’arrêt de ma vie de couple est confronté à la non-évolution de l’Eglise : j’aimerais partager dans divers cadres, sortir du carcan, des structures, partager avec des amis en souffrance. Dans l’épreuve du divorce, il est difficile de ne pas se culpabiliser ; la notion de fidélité dans le couple, nous y sommes tenus en référence à la Fidélité de Dieu. Se prendre pour Dieu ? Forcés que nous sommes de nous conformer à ce schéma ?
Ce qui m’aide ? Les amis, les enfants dans la vie de tous les jours et leur expression d’amour. J’admire la souplesse de ma belle fille capable de s’adapter aux changements de lieu de travail de son mari (Taiwan pour la France). Baptême des petites filles, implication des parents dans l’éducation des enfants, dans la maison. J’ai à travailler pour qu’ils gardent toujours une image positive de leur père, alors qu’il m’est difficile d’être confronté à sa présence (lors du baptême).
- L’événement qui m’a marqué ? L’affaire Dutroux. L’affaire et le procès :l’horreur absolue ! Comment en arriver là ? Ai-je encore confiance dans les politiques, les magistrats, les policiers, les médias ? En tant que mère pour avoir perdu un enfant (de maladie), je mesure le drame, le désarroi, l’indignation, l’inquiétude, les pourquoi, le sentiment de culpabilité. Je pense à ces familles, à leur souffrance dans l’absence de vérité, dans la confrontation avec cet être pervers.
En tant que citoyenne : y a-t-il des influences pour ne pas faire tomber les têtes ? En tant qu’infirmière : ces délinquants sexuels sont des malades. Pourquoi des remises de peines ?
En tant que chrétienne : est-il mon prochain ? Qu’est-ce qu’aimer son prochain ? Pourrai-je pardonner ? Il faut être saint pour réciter le « Notre Père » de plein cœur.
- L’attentat de Madrid, le terrorisme et au-delà du terme tout ce qui gravite autour, une société dans laquelle on en revient presque aux guerres de religions. Nous sommes dans un quartier où il y a une population maghrébine, kurde, turque où un foyer est en place pour des activités d’aide. Avec tous ces événements on a toujours à craindre l’ extrémisme de jeunes . Une tension s’est créée, il y a moins de participation au foyer. Certains se sentent moins à l’aise entre les différentes communautés. Ce n’est pas évident d’avoir un dialogue pour dédramatiser. Comment éviter de créer des situations qui portent les gens à s’enfermer sur eux-mêmes ? Le soupçon, la peur font dégénérer les relations.
- Après deux fausses couches j’avais peur de perdre les eaux, 4 mois allongées pour garder un bébé. J’ai eu le temps de lire, penser, m’attacher au bébé, lui parler. Marquée par la peur, je continuais à m’attacher à mes enfants. Quand ils ont grandi, je ne réfléchissais pas à mon attitude et quand ils ont pris leur envol, mes angoisses sont revenues. J’avais besoin d’eux pour vivre. Ils ne comprenaient pas cela et prenaient mal mes questions : « mais tu n’as pas confiance dans l’éducation que tu m’as donnée ! ». J’avais en tête : « il faut que tu prennes tout sur toi parce que tu es à la maison ». Je cachais des choses à mon mari pour ne pas le tracasser. Après je trouvais que leur père ne leur parlait pas assez.
Difficile de sortir de cet engrenage, de ne pas les relancer à tout bout de champ, de ne pas téléphoner, toujours le besoin d’être rassurée. J’ai évolué… moins attachée ? Je fais des activités pour ne pas penser qu’à eux – cours de langues, danse.
- Il n’y a pas longtemps que j’ai découvert le terme « résilience » : capacité à rebondir.
Atteinte d’un cancer, j’ai pensé mourir ; j’ai subi un traitement lourd et ai vécu un sentiment de révolte : pourquoi moi ? Puis, lentement, j’ai découvert l’aptitude à goûter l’instant présent, à vivre le bonheur au jour le jour – une visite, un coup de fil, l’amitié. L’important c’est de vivre tout simplement. Une résurrection soutenue par le texte de saint Jean (JN 24.12) « Si le grain de blé ne meurt… » C’est la vie qui se renouvelle mais ce n’est pas acquis une fois pour toutes. Un travail est à pratiquer chaque jour. C’est un travail de longue haleine pour ne pas perdre ce chemin de vue.
En m’éloignant de cet épisode aigu de la maladie, j’ai tendance à oublier cette sorte de sagesse qu’est le chemin de l’essentiel.
Aujourd’hui, je suis confrontée au vieillissement pathologique de Maman. Certains jours, j’ai du mal à faire face ; pourtant j’essaye de garder au cœur cette recherche de l’essentiel en faisant le tri, j’essaye de retenir les bons moments vécus, partagés. J’ai intérêt à être vigilante car j’ai peur de l’aggravation de son état de santé. Je suis à nouveau sur le chemin vers Pâques. En A.C.G.F., je suis responsable d’un groupe de travail qui s’intéresse aux femmes seules, veuves, divorcées, séparées. Je peux témoigner que ces femmes seules, après épreuve ouvrent leur cœur et leur esprit, plus d’ouverture en élargissant leur regard à l’autre, à tout autre. Elles ne restent pas sur un échec, mais ne se sentent pas toujours comprises, entendues, accueillies.
- Ce que les enfants m’apportent ? Beaucoup. Ils ont deux copains homosexuels. Lorsqu’ils l'ont appris cela n’a changé en rien leur amitié pour eux. Cela m’a fait réfléchir à l’éducation que j’ai reçue : beaucoup d’intolérance. J’ai plaisir à découvrir la tolérance chez mes enfants sans détruire les valeurs profondes auxquelles je suis attaché (le mariage par exemple). Mes enfants n’ont pas la réaction raciste que j’ai encore parfois. C’est très positif de dialoguer entre générations