La France étant devenue, de fait, multiethnique,
est-ce que cela change l’identité française ?
Qu’est-ce pour moi qu’être Français ?

Grenoble. 9 janvier 2006

9 participants

- Pour moi, être Française est naturel : depuis 1600, date d’arrivée en France d’un ancêtre irlandais. Cette identité est nourrie par l’histoire, la littérature, les chansons, tout un patrimoine commun incluant la religion chrétienne. Mais je me sens aussi “sœur” de toute l’humanité. A Villeneuve, j’ai côtoyé des maghrébins à l’école de mes enfants. Puis il y eut l’arrivée d’autres étrangers, asiatiques, noirs, réfugiés d’Amérique Latine. Je regrette que l’école n’apprenne pas “la France” à tous ces enfants d’immigrés.

Il y a eu des évolutions qui m’ont perturbée : l’abandon du “franc”, du service national, la modification du nom de famille, des règles de la filiation. La France reste marquée par l’idéal de Liberté, Égalité, Fraternité, qui devrait être partagé par tous les nouveaux citoyens. Il leur faut aussi connaître et adopter la laïcité, accepter notre culture, avoir le souci d’un bien commun à construire ensemble.

Avec l’arrivée dans la famille de ma belle-fille malgache, je me pose la question de savoir comment on peut vivre à cheval sur deux cultures, sur deux pays, surtout pour ce qui concerne ma petite fille. Je connais mal les lois qui permettent de devenir Français, mais il y a souvent l’épreuve du “visa”. Ne pourrait-on pas imaginer des situations intermédiaires entre être français et être étranger ?

- Mon enfance franco-française m’a appris que nous sommes les meilleurs, que les “boches” venaient nous envahir et que les Italiens sont sales et paresseux. À cette époque, dans ma famille, on ne voyageait pas, le reste du monde n’existait pas.

J’ai continué à vivre dans un milieu totalement français jusqu’à l’arrivée de mon gendre kabyle. On se sent bien avec sa famille kabyle, mais ils sont différents.

Ce n’est pas immédiat pour moi de voir un “grand noir” français, mais, après réflexion, j’admets tout à fait que ce soit son droit.

- J’ai été très à l’aise dans mon enfance non loin de la frontière belge, et lors d’un séjour de six mois en Angleterre à 14 ans. Mais je suis resté dans un milieu français dans toute ma jeunesse étudiante.

Je n’associe pas l’identité française à une religion, et j’ai été choqué qu’on évoque un “problème juif” à propos de personnes totalement françaises.

Ce sont mes voyages professionnels à l’étranger qui m’ont ouvert sur le monde, mais sans que je mette en avant une identité française. J’ai eu un collègue chinois qui a pris la nationalité française parce que cela l’arrangeait, mais qui est resté “chinois”. Un couple ami, un Australien et une Anglaise, sont très à l’aise en France depuis de nombreuses années ; mais n’ont pas perdu leurs origines. On peut rester ouvert à un pays d’adoption et rester lié à son pays d’origine.

- Je suis Français, de fait, sans l’avoir choisi. Cela ne m’importune pas mais ne me motive pas non plus, car je suis allergique à toute forme de nationalisme. Mon patrimoine culturel (musique, peinture, architecture, littérature, philosophie) est plus européen que strictement français.

Politiquement, je n’aime ni Louis XIV ni Napoléon, et me sens attiré par les systèmes sociopolitiques de l’Europe du Nord (Pays-Bas, Suède) que je connais cependant peu parce qu’ils ne me concernent pas directement.

J’ai assumé ma part de l’héritage historique de la France en participant à la guerre d’Algérie, après avoir milité, comme étudiant à Paris, pour l’indépendance algérienne. J’ai vécu ce drame comme un “accouchement” de l’histoire dans la douleur de l’enfantement.

L’évolution multiethnique actuelle de la France m’intéresse parce qu’elle combine une ouverture sur le monde avec une prise en charge de la réalité sociale française par les immigrés et enfants d’immigrés de nationalité française. Cela me fait toujours plaisir de voir des Français “de couleur” assumer des fonctions clés de la société : éducateurs, policiers, médecins, assistantes sociales, aides soignants etc.

- Mon vécu, avec une femme asiatique et un fils adoptif vietnamien, ne me pose aucun problème. Ils sont français tout en ayant gardé un lien fort avec leur pays d’origine.

Les immigrés maghrébins de deuxième génération que je côtoie à Villeneuve m’ont dit avoir adopté les acquis sociaux de l’histoire de France tels que la laïcité, le syndicalisme, la vie associative, tout en restant attachés à leur communauté à travers des pratiques telles que le Ramadan.

Il me paraît important de renaître à ce monde pluriel après avoir été conditionné par un passé français monolithique.

- J’ai dépassé les réflexes “anti” inculqués dans ma jeunesse; et pour moi, être français, c’est se mettre dans une collectivité qui peut évoluer. Il me paraît normal que les immigrés qui souhaitent la nationalité française passent un “examen” et signent une charte.

Il est parfois dur d’assumer le passif de l’histoire de France quand on est à l’étranger, comme au Mexique où j’ai découvert les mésaventures de Maximilien.

Par contre, lorsque j’étais au Chili, j’ai découvert un pays où les valeurs de liberté - égalité - fraternité sont aussi vivantes qu’en France, avec en plus la forte solidarité qui caractérise les pays d’Amérique Latine ; et je me verrais bien adopter la nationalité chilienne tout en gardant une identité française.

Il faut que la société française évolue, sinon c’est le FN ! Et je suis heureux de constater que certains Français de seconde génération sont d’ardents défenseurs de la France.

- J’étais Français - cocorico, mais après quinze ans vécus hors de France, l’hexagone m’est apparu bien petit. La vue des problèmes mondiaux détache de la France, petit pays agréable qui ne pense qu’à ses intérêts.

La mort de de Gaule ne m’avait pas particulièrement remué, mais à cette occasion j’ai découvert que ce grand Français avait profondément marqué les peuples des anciennes colonies devenues indépendantes sous son septennat.

L’importance des quartiers chinois de Paris et surtout de San Francisco me montre que le sentiment communautaire reste vivant au sein d’une nation d’adoption.

Les prêtres chinois du Prado aiment venir à Paris, en hommage au Père Chevrier fondateur d’un ordre de prêtres qui sont à la fois diocésains et internationaux, et dont le siège n’est pas à Rome.

J’ai été un peu déçu par l’évolution politicienne de l’Europe, mais je garde mon aspiration à l’Europe qui est un cadre adapté à l’avenir.

En conformité avec la vocation internationale du chrétien, je suis un citoyen universel.

- Comme vous, je me sens Française par le patrimoine reçu à ma naissance. J’aime ce pays, et je me sens “chez moi” lorsque je rentre de voyage à l’étranger.

Il me semble que c’est surtout la langue qui marque l’identité française. Et je suis admirative de ces écrivains immigrés qui ont adopté la langue et la culture françaises pour exprimer leur message.

Le contact avec les pays étrangers est important et enrichissant. Mais si un Chinois ou un Maghrébin veut acquérir la nationalité française, il me semble important qu’il parle français.

- Je ne dis pas que je suis Française, mais que je suis une Vietnamienne qui par nécessité a pris la nationalité française. Je garde les valeurs de ma culture, mais, me considérant comme citoyenne de la République française, j’accepte les lois et les devoirs de mon pays d’adoption.

Je me rends compte que beaucoup de valeurs françaises sont adoptées par les immigrés, en particulier la fraternité entre les peuples et au sein des nations. Les asiatiques sont très nationalistes ; les minorités sont plus brimées au Vietnam que dans les pays d’Europe occidentale.

Ce qui paraît important, c’est de trouver l’harmonie entre des différences culturelles et ethniques assumées.