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POURQUOI ET COMMENT J’ENGAGE MA RESPONSABILITÉ

FACE AUX ENJEUX DU MONDE ACTUEL ?

Porquerolles, 18 avril 2015

13 présents

 

Je veux être moins juridique et moins stupide dans l’exercice de mon métier, car je suis confronté à des choses aberrantes telles que des contrats de 300 pages pour des achats de produits catalogue, des accords juridiques de non divulgation préalables à toute communication entre partenaires, etc. J’essaye de revenir à plus de bon sens et plus d’humain. Je mise sur la confiance et pas seulement sur le respect des règles. En cela je prends une responsabilité et un risque, mais je crois qu’on ne peut pas déconnecter l’humain.

 

Face aux enjeux, je me sens impuissante, mais pas résignée : je vais voter, mais sans illusions. Il y a des choses que je ne comprends plus : les clivages droite/gauche, mon fils qui milite à la CGT. Ma famille n’évolue pas comme je l’aurais pensé, mais il faut maintenir le dialogue avec les enfants. Je dois prendre ma place – rien qu’elle – mais entièrement. C’est dans l’Église que je me suis le plus engagée, car elle va mal et je peux y avoir une parole. J’aime que le nouveau pape privilégie l’Évangile à l’institution. Je trouve excellent le journal La Croix car il traite les problématiques d’aujourd’hui à bras le corps.

Je situe beaucoup l’enjeu au niveau de la place de la femme. Je pense qu’elle est en perte de statut depuis 20 ans, notamment sur l’avortement, la tenue vestimentaire, etc. Dans mon quartier, j’observe une scission sociale grandissante depuis les attentats de janvier, notamment entre mères de familles françaises et arabes à l’école. J’ai peur que ces événements nous aient fait régresser.

 

J’ai un passé d’engagement classique pour ma génération : enfant j’ai été marqué par Nuit et brouillard, puis, adolescent, par mon engagement au Parti communiste qui m’a éloigné de l’engagement ; personne n’est parti au goulag à cause de moi. En tant que médecin, j’ai trouvé un engagement confortable et satisfaisant centré sur l’humain. Je ne vais plus au marché car j’y vois trop de femmes voilées, mais je reconnais que ce n’est pas glorieux. Peut-être est-ce un contrecoup de mon engagement ancien, mais je trouve qu’à part les pingouins, mon engagement est insuffisant.

J’ai vécu en cercle fermé et en suivant le courant, sans engagement réel. Dans le travail, j’ai eu souvent le dilemme du choix entre fournisseurs français et étrangers ; j’ai finalement opté pour ce qui était meilleur pour l’entreprise. À l’aube de ma retraite, je veux aider les gens en besoin, à travers un travail intellectuel de coaching.

 

Même jeune, on se sent impuissant à changer la société, alors âgé ! Donc je me mets à l’écart. Je suis sollicité à m’engager par beaucoup d’associations. Je mets des limites, car il peut y avoir beaucoup de manipulation. Ne pas sentir ses actions utiles met une limite à la volonté d’engagement.

Mes engagements sont plutôt derrière moi. Jeune, j’ai fondé une famille pour bâtir le monde, et construit 5 maisons, qui aujourd’hui servent à quelqu’un. J’ai choisi la Recherche bien que ça paye mal, mais j’ai été gâté par la réussite de mes projets. J’ai privilégié l’« humain » dans l’encadrement des équipes, contribué à l’aide au tiers monde ; au syndicalisme aussi, mais j’ai abandonné car trop « égocentré ». Je suis plutôt optimiste sur l’évolution du monde, car l’idéologie islamiste radicale actuelle ne survivra pas, comme toutes les précédentes. Je pense que la religion musulmane peut évoluer grâce aux femmes. Je crois que l’Europe peut se sortir de ses problèmes, mais j’ai peur de l’ignorance organisée dans des buts politiques.

 

Ce que je fais ou ai fait : voter quand on m’en donne la possibilité, quel que soit le contexte ; essayer de m’informer en profondeur sur l’actualité et revoir l’Histoire pour pouvoir juger et agir en toute connaissance des enjeux ; m’investir dans le travail qui m’était confié avec la motivation de soutenir les projets de mon pays et de l’Europe face aux concurrents étrangers de pays puissants ; soutenir ma religion même si je suis peu pratiquant. Ce que je ne fais pas, avec regret : ne pas aller plus loin dans ces voies. Ce que je ne fais pas, sans regret : la politique.

 

Je ne suis pas un héros : j’ai élevé des enfants, j’entretiens ma maison et l’isole mieux, je trie les déchets, etc., toutes choses assez ordinaires. Dans l’entreprise, j’ai fait confiance au système et j’ai vu s’opérer une métamorphose qui fabrique des plus riches et plus d’exclus. Je sens le besoin de contribuer au rétablissement de l’équilibre. Mais j’observe qu’il n’y a pas de contrepouvoir au pouvoir financier dans l’entreprise.

Pour moi, l’enjeu est la justice, l’équité et la bonne répartition des richesses. Jeune, j’ai fait du bénévolat dans les bidonvilles, puis mon engagement s’est dilué pour permettre l’éducation de mes enfants. Dans mon cercle professionnel, j’ai pris l’engagement de travailler dans un but de justice vis-à-vis du personnel. Ça me coûte beaucoup de soucis, mais je pense que ça paiera.

 

Mon engagement est de vivre avec moi-même et de sourire à la vie. Je me bats avec confiance contre les maladies et j’essaye chaque matin d’être comme au premier matin du monde.

On est écrasés d’informations sur les enjeux du monde et on peut se sentir impuissant. J’ai eu des engagements, politique puis humanitaire, ensuite plus rien. J’applique un précepte de Berthold Brecht : j’aurai peut-être besoin des autres un jour, donc il faut que j’aide aujourd’hui. Il faut en particulier aider les enfants. Je pense que le totalitarisme qui est présent dans beaucoup de pays peut arriver partout à tout instant ; il faut donc éveiller les esprits autour de soi. C’est aussi en ordonnant sa propre vie intérieure qu’on peut aider à changer le monde.

 

J’ai eu beaucoup d’engagements post soixante-huitards. Je vois que je ne vivrai pas la fin des actions que j’ai engagées, mais ça ne me gêne pas car ça participe de toute façon à l’humanisation du monde. Il y a des signes d’espoir dans l’ambiance actuelle de fabrication de monstres et de bouc émissaires.

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